L’accord intervenu hier entre les salariés de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord et la direction met fin à 7 ans de conflit. En durcissant le combat (avec notamment la séquestration pendant 30h de deux cadres de l’usine le 6 janvier 2014), la CGT, majoritaire au sein de l’usine, a obtenu le triplement des indemnités de départ des salariés licenciés, par rapport à ce qui était proposé en 2012. Mais au bout du compte, qui sont les vrais gagnants d’un tel accord ?

Une séquestration qui paie…

L’accord signé prévoit, selon la direction de Goodyear Dunlop Tires France (GDTF), “des améliorations significatives des indemnités qui seront perçues par les salariés dans le cadre de la fermeture de l’usine d’Amiens-Nord”, ainsi que “des aménagements en matière de congés de reclassement et de mutuelle”, rapporte l’AFP. En échange, la CGT d’Amiens-Nord doit mettre immédiatement un terme à l’occupation de l’usine et se désister sans délai dans la totalité des instances judiciaires , tant civiles que commerciales, qui l’opposent encore à Goodyear. De son côté, GDTF s’engage “à renoncer aux poursuites”, lancées après la séquestration début janvier pendant 30 heures de deux cadres de l’usine : Bernard Glesser, DRH, et Michel Dheilly, directeur de production (voir vidéo ci-dessous). La CGT avait décidé de retenir ces deux cadres après l’échec des multiples procédures judiciaires pour invalider la fermeture de l’usine.

Faut-il séquestrer des cadres dirigeants pour arriver à ses fins ? Les DRH ou dirigeants de sociétés qui ont été séquestrés témoignent de la violence de telles situations. Ce qui est sûr, c’est que finalement aucune des parties prenantes n’est gagnante. Du côté de la direction, une situation conflictuelle qui dure pendant 7 ans est néfaste pour l’entreprise et mène fatalement à l’impasse. Même constat pour la CGT, dont le bilan peut apparaître mince au vu du combat engagé. Et de plus, l’affaire n’est pas close : la CGT a annoncé dans un communiqué “une nouvelle bataille”, cette fois-ci devant les prud’hommes, “pour montrer à tous que les licenciements (des 1 173 salariés) décidés par Goodyear n’ont aucune justification économique”. Au côté de la CGT se trouve l’avocat Fiodor Rilov, spécialiste des combats contre les multinationales (voir vidéo).

Titan de nouveau en lice

Un des gagnants de cet accord est le groupe américain Titan. Celui-ci a finalement obtenu ce qu’il proposait déjà à l’automne 2013, à savoir une offre de reprise de l’activité de production de pneus agricoles à condition que le conflit entre la CGT et Goodyear soit définitivement soldé. Titan a dû toutefois s’engager à assurer le maintien de 333 emplois durant 4 ans. On se souvient de la joute qui avait opposé en février 2013 Maurice Taylor, patron ultra-libéral de Titan International au ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. Celui-ci avait publié une lettre ouverte à Arnaud Montebourg dans Les Echos où il dénonçait “les salariés français touchant des salaires élevés mais ne travaillant que trois heures”.  Arnaud Montebourg avait critiqué des propos « aussi extrémistes qu’insultants » (voir vidéo et notre article : Montebourg/Taylor : pneu mieux faire).

C’est aussi grâce à l’Etat que des négociations pour un accord ont pu avoir lieu. La médiation de Jean-François Cordet, préfet de la région Picardie désigné par le gouvernement, “aura été décisive dans la recherche d’une solution apaisée”, a déclaré le directeur général de GDTF. Ce qui a fait dire à Arnaud Montebourg : “Il est toujours possible de trouver un compromis. Le dialogue dans le cadre de la République est toujours meilleur que l’affrontement”. Dans un communiqué diffusé le 22 janvier, le ministre du Redressement productif a précisé que “l’Etat et les collectivités locales, mettraient tout en oeuvre pour que le site (d’Amiens) puisse également accueillir dans les prochains mois de nouvelles entreprises et pour que les salariés qui perdront leur travail soient accompagnés dans leur retour vers l’emploi”.