La réponse est non, et cela n’est pas grave. L’outil peut être adapté à la réalité de l’entreprise, son management et ses employés.
Si pour ceux qui ont passé le pas avec succès la question peut sembler saugrenue, il n’empêche qu’elle n’en est pas moins pertinente. Comme le soulignait récemment un article publié par Anita Klaver, une organisation en holacratie exige de la part des personnes davantage de “ressources psychologiques”. Ce qui amène deux questions : comment s’assurer et mesurer la capacité d’une organisation à adopter l’holacratie ? Comment être certain que les personnes recrutées seront à même de réussir dans cette organisation réinventée ? Deux questions d’autant plus intéressantes qu’il existe de nombreux préjugés sur le sujet.
Soit, nombre d’entreprises s’interrogent sur l’opportunité de passer en holacratie parce qu’elles estiment que, pour des raisons humaines, la marche semble difficile à franchir pour certains salariés. Pour autant, à la question, tout le monde, toutes les entreprises peuvent-elles pratiquer l’holacratie, la réponse est oui. En effet, inutile que tous au sein de l’organisation soient prêts pour se lancer. L’holacratie reste un outil qui s’adapte à la réalité de chaque organisation, de son business et à la maturité de ses équipes.

L’holacratie peut s’adapter au profil de l’entreprise

Quel que soit le profil, la maturité, le business de l’entreprise, l’holacratie est en mesure de s’adapter. Elle offre les outils permettant de coller à la maturité, à la personnalité de chacun au sein de l’organisation. Ainsi, dans sa constitution, elle permet d’identifier et de caractériser deux catégories distinctes de salariés. Il y a d’abord l’associé, c’est-à-dire celui qui a envie et a d’ores et déjà la capacité, les compétences pour passer en holacratie, de fonctionner en holacratie dans l’entreprise. Les deux parties, associé et entreprise sont en accord. Il y a ensuite le non-associé, ce salarié qui fait bien son travail mais qui ne dispose pas encore de la compétence requise pour entrer seul en holacratie. Pour cela, son cheminement passe d’abord par un changement de posture qui doit lui permettre, à terme, au-delà de faire son travail, d’endosser et de gérer un rôle.
Pour cela, le non-associé doit développer les compétences qui vont lui permettre d’identifier ses tensions – cet écart entre la réalité qu’il observe et un idéal qu’il peut viser. Il doit être en mesure de « descendre de son vélo pour se regarder pédaler », de prendre ce recul et analyser la situation. Il doit ensuite être capable d’identifier et de gérer ses tensions c’est-à-dire, de les traiter pas à pas et de les suivre. En somme, cet apprentissage doit le mener à exprimer, à affirmer son leadership au travers de la résolution de ses tensions dynamiques, le comblement de cet écart mentionné plus tôt, pour tout ce qui est de son ressort, dans ses rôles. C’est au travers de ce processus, de ce parcours, que le non-associé peut devenir associé. Il sait désormais gérer ses rôles. Il est apte à faire son entrée en holacratie.
Bien sûr, ce chemin n’est pas un long fleuve tranquille. Et pour que l’organisation progresse dans la bonne direction, il est souvent utile de créer un rôle dont l’objet sera entièrement dédié à l’accompagnement de tous ceux concernés par l’apprentissage. D’ailleurs, il n’est en soi pas grave que l’entreprise doive passer par une phase transitoire qui va permettre à terme de former et d’embarquer l’ensemble des équipes et de l’entreprise, à leur rythme, même en partant d’une situation initiale imparfaite.

Mesurer les compétences de chacun en termes de self-management

Pour ce faire, l’organisation doit être en mesure d’identifier, de mesurer et de cartographier les compétences self-managériales qui sont celles de ses équipes. Et s’il existe à n’en pas douter de nombreux moyens de mesurer les compétences à un instant T et d’en suivre l’évolution, parlons ici du système que j’ai pu, au fil du temps, expérimenter et perfectionner dans de nombreuses entreprises : les badges.
Au même titre que le système de ceinture de couleur utilisé au judo, le système de badges permet d’évaluer avec précision les compétences self-managériales de chacun au sein de l’organisation. S’appuyant sur huit catégories de compétences clés comme la posture client-fournisseur, la tension dynamique ou encore le Powershift, et une échelle de niveaux allant de 0 à 5, ce système d’évaluation est particulièrement efficace. Surtout, il est à la fois totalement transparent et dynamique. Basé sur l’auto-évaluation, il permet à chacun de savoir exactement où il en est, tout en étant également visible pour tous les autres grâce à un outil comme Glassfrog. Indéniablement, ce système de badge se révèle extrêmement efficace pour que chaque salarié puisse piloter son évolution, sa progression vers le self-management.

Tout le monde peut pratiquer l’holacratie

Quel que soit le degré de maturité des équipes, de chacun des salariés, il est donc parfaitement possible pour une entreprise de pratiquer l’holacratie. Et pour que cela puisse se faire dans de bonnes conditions, ce processus doit à la fois s’inscrire dans le temps et s’appuyer sur un accompagnement de chacun. Le chemin qui conduit à un déploiement réussi du self-management dans l’entreprise passe par cette phase transitoire qui repose d’abord sur la création d’espaces, volontairement sortis des contingences et contraintes business et conjoncturelles, qui permettent à chacun de prendre du recul. Dans ce contexte, le manager ou leader de cercle, a un rôle essentiel. En se mettant au service des autres, en les accompagnant, en faisant preuve de cette excellence managériale qui guide les autres, il leur permet de se mettre en mouvement et, progressivement, de développer le leadership suffisant pour entrer en holacratie.
Dans cet espace ainsi créé, peut avoir lieu un échange authentique, de pair à pair, placé sous le signe des « 3P » sur lesquels s’appuie l’excellence managériale créatrice de leaders créateurs de valeurs : un espace protégé où chacun à la permission de s’exprimer librement et, ainsi, de libérer sa puissance au service de ses rôles et de l’entreprise. Cet espace est aussi le lieu d’un feedback inversé, d’un manager qui entend et prend en compte les remarques, les retours de ses équipes. Un système qui ainsi va permettre à chacun de progresser, à condition, bien sûr, de s’en donner les moyens.
Avouons-le, même si une large majorité de ces managers ont bien la conviction de l’utilité d’une telle démarche, beaucoup ont malgré tout tendance à oublier le nécessaire recours à ce temps d’échange et de prise de recul. Faute de temps, beaucoup ne parviennent pas à garder les yeux rivés à la fois sur les processus de développement des personnes vers le self-management et sur le business, la création de valeurs, tant en interne qu’en externe. Difficile d’avoir ces deux maîtres à la fois. Alors que pour réussir il convient d’osciller en permanence entre un risque de bureaucratie et la non-atteinte du self-management, beaucoup trop de patrons restent par trop focalisés sur le business. Une solution pour éviter de devoir choisir entre ces deux polarités reste donc de couper les choses en deux en faisant incarner les deux problématiques par deux personnes distinctes. Mais, pour ce faire, il existe un préalable. Faire en sorte que chaque rôle, chaque processus qui caractérisent et animent l’organisation puissent évoluer dans un contexte opérationnel débarrassé de tout effet pervers lié au lien de subordination entre les parties prenantes (un lien de subordination qui persiste, puisque inhérent au contrat de travail, pour tout ce qui touche aux relations contractuelles qui lient les parties).
Indéniablement et comme le chantaient les Beatles, c’est une “long and winding road” pour réussir à réinventer son organisation. Même si l’holacratie possède des limites, est incomplet et présente des angles morts, cet outil constitue un élément de réponse pertinent pour toute entreprise qui veut entamer sa mue. Il peut s’adapter à l’organisation, à la maturité de ses salariés et donne des clés pour cheminer dans la bonne direction. Ainsi peut-on affirmer que oui, tout le monde pourrait pratiquer l’holacratie !