Avec le développement du travail flexible, de plus en plus d’entreprises sont confrontées à des demandes de télétravail à l’international. Il peut s’agir de suivre un conjoint expatrié, de prolonger des congés, de profiter de sa famille, de sa résidence secondaire, de découvrir un pays, d’aider une personne en difficulté…
Face à la diversité des situations, les entreprises sont souvent démunies. Autoriser, Interdire, Limiter, Encadrer ?

Quelle est la tendance ?

Le premier mouvement a été de refuser systématiquement toute forme de télétravail international et de l’inscrire expressément dans les chartes de télétravail. La raison principale est que le télétravail international engendre généralement un « full remote », c’est-à-dire une présence exclusive en télétravail à l’étranger due à l’éloignement.
Le télétravail international comporte bien d’autres freins : le décalage horaire, la sécurité informatique, le travail en équipe, l’immigration, la fiscalité, la couverture sociale, les assurances, la sécurité du salarié, le droit du travail local, le rapatriement éventuel, etc.

Mais en y regardant de plus près, ces freins peuvent sauter s’ils sont bien encadrés. Par exemple, l’entreprise peut limiter la durée du télétravail international à moins de 6 mois et s’accommoder ainsi de la plupart des traités fiscaux ; ou limiter la liste des pays autorisés à ceux de la nationalité du salarié et à l’Union Européenne pour éviter les problématiques d’immigration.
Cette seconde tendance qui consiste à encadrer le télétravail à l’étranger et à le limiter à des cas déterminés est la tendance actuelle. Il s’agit d’adopter une démarche ouverte et flexible de développement des talents, tout en préservant au maximum les intérêts de l’entreprise.

Quid si le salarié exige un télétravail à l’étranger ?

Si la demande émane d’un salarié qui occupe un poste “télétravaillable” tel que prévu par la charte ou l’accord applicable, l’employeur peut opposer un refus motivé. En l’absence de charte ou d’accord, l’employeur devra juste préciser les raisons de son refus (ANI art 2.3.3).
La justification ne doit pas être discriminatoire. Il n’est pas possible par exemple de considérer la situation de famille du salarié. Cependant, elle peut reposer sur des critères objectifs liés au travail à l’étranger : immigration, sécurité, couverture sociale, fuseau horaire, etc.
Ainsi, le télétravail à l’étranger n’est pas un droit. Il convient d’obtenir l’accord de son employeur, et l’employeur a ensuite l’obligation de préserver la santé du salarié et d’assurer sa sécurité.

Autre situation, le salarié n’informe pas son employeur, qu’en est-il ?

Le salarié est libre de choisir son lieu de domicile, il s’agit d’un principe garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Mais ce libre choix peut être restreint pour protéger les intérêts légitime de l’entreprise à condition que la restriction soit justifiée et proportionnée au regard de l’emploi occupé et des tâches attribuées au salarié.
Dans le cas du télétravail international, la préservation des intérêts légitime de l’entreprise impose au salarié d’informer son employeur, ne serait-ce que pour que la paie soit correctement établie et la couverture sociale assurée, ou pour toutes les raisons précédemment évoquées.
Aussi, dans tous les cas où le salarié n’informe pas son employeur, il se met dans son tort. A minima, l’employeur peut lui enjoindre de stopper tout télétravail à l’international et, à défaut de réponse, engager une procédure disciplinaire à son égard (convocation à entretien préalable, en proposant la visioconférence, entretien préalable, puis notification de la sanction).

Pas vu, pas pris et obligation de sécurité

Si le salarié persiste à explorer le monde ou son pays de cœur sans en informer son employeur et qu’il lui arrive quelque chose, l’employeur peut-il être considérer comme responsable ? L’employeur peut-il être sanctionné pour travail illégal si le salarié exerce pour son compte sans visa de travail ou sans paiement des cotisations sociales du pays d’accueil ? Est-il responsable si le salarié est allé s’installer dans une zone à risque ou si santé mentale est affectée du fait d’un trop grand isolement ?
Tout dépendra à notre sens de l’information qui a pu être donnée en amont par le salarié à son employeur sur son déménagement, mais également des indices qui auraient pu alerter l’employeur (ou plus simplement les managers) sur la situation.
En effet, l’employeur a une obligation de moyens renforcée, et doit à ce titre justifier avoir pris les mesures suffisantes pour protéger ses salariés.

Si un accident du travail une maladie professionnelle surviennent tandis que l’employeur n’a pas pris les mesures de prévention qui s’imposent, sa responsabilité civile et pénale pourront être engagées. Par contre, si l’entreprise a mis en place des actions et a pris en amont les mesures de formation et d’information qui s’imposent, il lui sera plus facile de se dégager de sa responsabilité.
Entre autres idées :

  • rappeler l’obligation du salarié de prévenir son employeur de tout déménagement, souvent mentionnée dans le contrat de travail ; et/ou imposer une autorisation préalable notamment dans la charte ou l’accord collectif d’entreprise ;
  • s’assurer des conditions dans lesquelles le salarié télétravaille (pièce distincte, sécurité électrique, etc.) ou faire attester le salarié de ces conditions ;
  • adapter le poste de travail, et définir des plages horaires de travail en commun à distance pour éviter l’isolement,
  • prendre un rendez-vous préalable avec la médecine du travail s’il est encore temps, ou solliciter un rendez-vous en visioconférence si le salarié est déjà à l’étranger ;
  • conserver les échanges entre salarié et employeur sur le déménagement et ses conséquences.

Il est en revanche plus délicat de présager de la responsabilité pénale de l’entreprise dans le pays étranger en cas de travail illégal.

Télétravail international et marque employeur

Quoiqu’il en soit, le télétravail international doit rester un vecteur d’attraction des talents et doit être perçu comme une véritable opportunité pour faire bouger les lignes et ouvrir le champ des possibles. Il permet aussi d’aller vers plus d’inclusion et de diversité dans les pratiques de mobilité internationale en favorisant des « virtual assignment » à des salariés jusque-là exclus, et d’adopter une démarche écoresponsable en limitant les déplacements professionnels.

Le mouvement est en marche et les entreprises doivent l’accompagner, communiquer et bâtir le marché du travail de demain, si possible avec l’aide des autorités qui ont également un rôle fondamental pour favoriser ces nouveaux flux de travailleurs.