« N’aie pas peur ! » « Fais-toi plaisir ! » « Respire, ça ne sert à rien de s’énerver… »  Nous l’avons tous vécu : prononcés avec les meilleures intentions, ces conseils stéréotypés ne font le plus souvent que jeter de l’huile sur le feu. Loin de vous aider, ils peuvent engendrer un sentiment de culpabilité. Dans l’entreprise comme dans le sport de haut niveau, les émotions sont encore un sujet méconnu, voire tabou. Dans ces deux contextes, manifester des émotions est perçu comme une perte de contrôle nuisible à la performance.
Exprimer votre colère, votre inquiétude ou votre déception, c’est faire preuve de faiblesse et vousvexposer aux moqueries et aux dénigrements de vos collaborateurs. Être « fiché » comme « émotif », « trop sensible », « impulsif » ou
« susceptible ». Pourtant, vous n’êtes pas dotés de ce mécanisme émotionnel par hasard : il est issu de votre évolution. L’intelligence émotionnelle, comme toute intelligence, est une ressource essentielle pour vous adapter à votre contexte.
À quoi sert de refouler vos ressentis, de vous persuader qu’ils n’ont pas leur place au bureau ou au stade ? Pourquoi ne pas changer votre regard et accepter qu’elles sont de véritables outils ? Tous les athlètes savent que l’émotion peut causer des contre-performances. Mais les psychologues du sport constatent aussi que des émotions puissantes sont indispensables à la haute performance.
En réalité, faire confiance à vos émotions permet de vous appuyer sur elles comme autant d’indicateurs vous permettant de prendre rapidement des décisions fiables, d’être performant ou de vous épanouir.

L’émotion est une demande

Vous êtes dotés d’une intelligence émotionnelle que vous pouvez développer à tout âge. Il n’existe pas de recette miracle : face à la même situation, vos émotions se manifestent différemment d’une autre personne. De plus, chaque émotion correspond à un besoin fondamental. Un enfant jaloux de son petit frère aura besoin d’être rassuré par sa maman. Vous-même, lorsque vous vivez un sentiment de jalousie en apprenant qu’une autre personne a pris de nouvelles responsabilités, vous manifestez peut-être le besoin d’être reconnu pour votre engagement, ou de continuer à progresser pour développer de nouvelles compétences.

Voici le témoignage d’une athlète.
« Sur cette compétition capitale, je me qualifie pour la finale. Quand j’apprends le nom de mon adversaire, je sens monter une colère d’une intensité que j’avais rarement vécue. Je la connais et je me suis déjà fait battre plusieurs fois par cette adversaire. J’ai pris un temps pour accueillir cette colère parce que je sais que si je monte sur le ring avec ce niveau de colère, je ne vais pas canaliser mon énergie. Cela va tourner au combat de rue et je vais faire trop de fautes. Ensuite, je suis allée voir mon coach pour qu’il me parle. Il me connaît bien et je savais qu’il aurait les bons mots pour me rassurer. C’est ce qui s’est passé et je suis rentrée dans le combat concentrée, agressive et pleine d’énergie. »

Cette athlète a développé une stratégie efficace à partir de ses propres expériences. Ce qu’elle a perçu comme de la colère était de la peur. Elle n’avait pas besoin de se calmer mais d’être rassurée. Intuitivement, elle a trouvé le moyen de répondre à ce besoin pour libérer ses propres ressources. Certains athlètes, pour qui la colère est porteuse, ont plutôt cultivé cette émotion. D’autres, pour se rassurer, ont besoin de retrouver des repères seuls en répétant une gestuelle. À chacun ses stratégies !

Comment vous appuyer sur vos émotions pour réussir

Accueillez

Les émotions peuvent être inconfortables, pour vous-même et les personnes qui vous entourent. C’est pourquoi à l’école, au sport ou en entreprise, vous vous êtes habitués à ne pas les exprimer. Mais lutter pour ne pas ressentir cet inconfort monopolise votre énergie. Dans une situation déjà suffisamment exigeante pour avoir causé une émotion importante, cette lutte vous prive de vos ressources et ajoute de la difficulté à la difficulté. Lutter contre vos émotions revient à lutter contre vous-même : vous vous privez d’un système d’adaptation très performant dont l’évolution vous a justement doté pour affronter les défis de la vie.
Si les émotions vous sont propres, l’importance de les accueillir est universelle. Cet accueil consiste simplement à prendre un instant pour vous mettre en contact avec ce que nous vivez : observer l’émotion telle qu’elle est et vous autoriser à la ressentir sans vous juger.
« Accepter ce que je ressens au moment où je le ressens que ce soit inconfortable ou positif. »

La forme que prend cet accueil varie selon les personnes. Certains se laissent traverser et ressentir physiquement l’émotion, de manière fugace. Si on la laisse s’exprimer, l’émotion ne dure physiologiquement que quelques secondes. D’autres préfèrent la relier à un mot, un symbole, une image ou une couleur.

Identifiez

Certains ont besoin de l’identifier et de la comprendre précisément. Pour cela, voici quelques questions utiles.
« Quelle est cette émotion ? » Peur, colère, joie, tristesse et leurs dérivés de ressentis… En observant régulièrement vos émotions, vous apprendrez à les différencier pour les identifier plus facilement.
« En quoi cette inquiétude m’est-elle utile ? » « Quel est son bénéfice ? »
« Que me dit-elle ? »
Dans une situation professionnelle à fort enjeu, telle qu’une négociation importante ou une prise de décision majeure, il peut arriver de ressentir une forte anxiété. Celle-ci peut vous alerter sur votre manque de préparation, sur des éléments qui vous ont échappé… ou tout simplement sur un timing défavorable.
« Où en suis-je, de 1 à 10 ? »
Dans les cas extrêmes, l’intensité de l’émotion ressentie peut être paralysante. Si avant une présentation importante vous vous sentez bloqué par la peur, ou même submergé par un enthousiasme excessif, vous pourriez évaluer le niveau de cette émotion à « 10 ». Prenez le temps d’observer cette émotion et vous constaterez que son intensité redescend rapidement : « 9, 8, 7, 6… »
À vous de la maintenir au niveau que vous estimez le plus porteur pour faire cette présentation au maximum de votre compétence.

Agissez

Une fois l’émotion accueillie et repérée, vous pouvez identifier le besoin
associé : être rassuré, reconnu, accepté, respecté… Cela permet d’enclencher l’action pour le satisfaire. Les types d’action sont très variés :
– retravailler votre powerpoint ;
– vous créer des repères en répétant sa présentation ;
– respirer, visualiser les actions prévisibles et imprévues ;
– appeler une émotion positive et puissante pour booster la performance ;
– convoquer une image relaxante, de sécurité ;
– se remémorer un état déjà vécu ou souhaité (se sentir grand, respecté, stimulé, se sentir progresser…)
– adopter une posture propre à son fonctionnement…

Vous connaître pour vous appuyer sur vos propres forces

Dans l’entreprise comme sur le terrain de sport, la manière de faire appel à la force de vos émotions vous est propre. La clé n’est pas dans la recherche de d’une recette miracle mais de la connaissance de soi. Lorsque tous les facteurs externes de la performance ont été analysés et optimisés, où trouver une réserve de progression… Sinon à l’intérieur de vous-même !?