Quel avenir pour le management de transition ?
Longtemps en croissance, le marché du management de transition connaît un net ralentissement depuis le second semestre de l’année 2024. La dissolution de l’Assemblée nationale, la politique douanière américaine et le trop fort emballement des marchés financiers pour les valeurs technologiques sont quelques-uns des facteurs qui inquiètent et poussent les dirigeants à reporter ou à annuler des missions. Pourtant, au-delà des aléas conjoncturels, il n’y a guère à douter que le management de transition a de l’avenir parce qu’il permet d’externaliser la gestion de projets stratégiques à des professionnels expérimentés.
Dans le monde du travail, peu de dispositifs contractuels inspirent autant d’illusions et d’idées reçues que le management de transition. Bien qu’il soit encore trop souvent assimilé à un mode d’intervention privilégié par des cost killers habitués à restructurer des organisations, à un choix par défaut pour des cadres en recherche d’emploi qui n’aspirent qu’à renouer au plus vite avec un contrat à durée indéterminée ou encore à une dernière solution de maintien en activité pour des dirigeants discriminés en raison de leur séniorité, le management de transition mérite d’être considéré avec attention.
Le management de transition, un métier à part entière
Généralement défini comme le recours à des compétences managériales externes dans le but de confier la réalisation d’une mission sur une durée limitée dans le temps, le management de transition est devenu un métier à part entière, c’est-à-dire un ensemble cohérent de techniques, d’habiletés, de savoir-faire et de savoir-être. En plus de l’expérience et des connaissances techniques, il requiert un niveau élevé de clairvoyance, d’adaptabilité et d’agilité. Dans un livre qu’elle a sobrement titré Managers de transition, l’experte Élodie Loing explique ainsi que, dès le début de la mission, « il faut décoder vite, sentir ce qui bloque, percevoir ce qui vibre encore » parce que « le temps est compté et les attentes sont massives, parfois floues et souvent urgentes ».
La succession des crises financières, géopolitiques et sanitaires, l’accumulation des défis économiques, sociaux, juridiques et technologiques font que les entreprises ont de plus en plus besoin de compétences leur permettant d’évoluer et de mettre en œuvre des projets dans lesquels aucun de leurs salariés ne peut ou ne veut intervenir. Fondateur du cabinet Solutions Transition, Gérard Chabaud observe ainsi que « le management de transition est devenu un pilier essentiel dans le monde des affaires » parce que, durant chaque mission, un manager « apporte son expertise, ses compétences et sa vision pour guider l’entreprise à travers les défis spécifiques de la transition, tout en assurant une continuité opérationnelle et en facilitant la mise en œuvre de nouvelles stratégies ».
Apparue aux Pays-Bas dans les années 1970, la pratique du management de transition s’est étendue à plusieurs autres pays européens, notamment en Grande-Bretagne et en Allemagne. Elle s’est développée en France dans les années 1990. Longtemps peu régulée, la profession a fini par se structurer avec la création, en 2008, d’une Association Française du Management de Transition qui est devenue, en 2011, la Fédération Nationale du Management de Transition. Cette fédération a fusionné avec le Syndicat National du Management de Transition pour devenir France Transition en 2019. A cela s’est ajoutée, en 2016, l’ouverture d’un Institut de Formation au Management de Transition puis différentes initiatives comme la création du Cercle du Management de Transition par François Decock et le lancement de la communauté Être manager de transition par Ingrid Lannez-Geoffroy.
Le management de transition : une méthodologie et des outils
En plus de cette évolution institutionnelle, l’activité s’est professionnalisée en capitalisant sur l’expérience des managers et en perfectionnant les méthodes d’intervention. Elle fait désormais appel à de multiples outils d’analyse de la stratégie et de pilotage du changement. Pour aboutir, une mission nécessite la mise en œuvre d’une méthodologie bien établie comprenant successivement la définition des objectifs dans une feuille de route, la présentation d’un état de la situation dans un rapport d’étonnement, la validation et l’application d’un plan d’action puis la pérennisation des résultats obtenus. Chacune de ces étapes est essentielle à la réussite de la mission et, surtout, à la poursuite de l’activité de l’entreprise cliente. Benoît Durand-Tisnes, président du cabinet Wayden, ajoute que le manager de transition doit faire preuve de pragmatisme, « savoir être humble, s’asseoir aux côtés des équipes, écouter, comprendre et mettre en œuvre les solutions ».
Dans la méthodologie, l’étape la plus importante est la préparation du rapport d’étonnement. Il s’agit d’analyser vite et avec pertinence tout ce qui est à corriger, à améliorer, à créer ou à supprimer. Cette analyse ne laisse aucun droit à l’erreur parce qu’elle oriente toute la suite de la mission. Elle exige de tenir compte des data disponibles, des procédures en place, mais aussi des relations entre les personnes, les équipes, les services et les directions car ce sont bien souvent là que résident les incompréhensions et les rivalités qui empêchent l’entreprise d’évoluer et de sortir d’une situation problématique. Élodie Loing analyse ainsi : « dans l’ombre des fonctions, il y a les réseaux, les jeux d’alliance, les relais d’opinion. Les capter, c’est anticiper. Les activer, c’est réussir ».
Le manager de transition : un acteur central du changement et de la gestion des crises
Contrairement aux salariés, le manager de transition a vocation à n’être que de passage. Au sein de l’entreprise, il est généralement mobilisé pour remplacer un collaborateur absent ou pour mener à bien un projet spécifique. Il n’est donc pas là pour faire carrière, ni pour concurrencer qui que ce soit, ce qui lui donne une grande liberté. Il n’a pas à pratiquer la langue de bois et peut rendre compte de la situation en toute transparence. Compte tenu de cela, mais aussi grâce à son expérience, à son professionnalisme et à ses méthodes de travail, il peut devenir un acteur central du changement et de la gestion des crises. Élodie Loing souligne d’ailleurs que « les crises font partie de la vie des entreprises » et que « telles des tempêtes soudaines, elles éclatent sans prévenir, secouent la coque, dérèglent les rouages et propagent leurs vagues de stress à tous les étages ». Pour le conférencier Christian Monjou, sa soudaineté, sa violence et les peurs qu’elle suscite font justement que « la crise est le temps du management » c’est-à-dire le moment où les équipes ont le plus besoin de se voir redonner un cadre et des orientations. Élodie Loing ajoute opportunément que « c’est dans ces instants-là que le manager de transition entre en scène » et que « sa méthode redonne prise là où tout semblait flou » afin de révéler des perspectives auxquelles personne d’autre n’avait pensé auparavant.




































