Les géants du numériques Google, Facebook et Uber ont récemment annoncé qu’ils exigeraient de tout employé qui se rend dans leurs locaux qu’il soit vacciné. L’obligation serait mise en place chez Google « dans les prochaines semaines » aux Etats-Unis, avant d’être étendue à d’autres régions du monde « dans les prochains mois », a fait savoir son directeur général, Sundar Pichai.

En France, un employeur peut-il imposer de son propre chef à ses salariés de se faire vacciner ?

Non. A l’exception des secteurs concernés par l’obligation vaccinale, une entreprise ne peut exiger de ses salariés qu’ils se fassent vacciner. Une telle mesure constituerait une atteinte à la vie privée. La loi votée le 25 juillet dernier a d’ailleurs prévu des sanctions pénales importantes (amende de 45 000 euros et 1 an d’emprisonnement) pour toute personne qui exigerait un certificat vaccinal ou même un pass sanitaire en dehors des cas prévus par la loi.
En pratique, l’employeur opérant un contrôle du pass sanitaire n’a pas la possibilité de savoir par quel moyen un salarié a obtenu son pass : vaccination, test ou certificat de contamination. L’application « TOUSANTICOVID VERIF » est prévue pour que le scan effectué d’un QR code en format papier ou numérique affiche uniquement le message vert pour un pass sanitaire valide ou rouge pour un pass sanitaire invalide.

Voilà pour la théorie, mais pour qu’en pratique l’employeur ne sache pas, alors il faut « scanner » les QR codes de tous un jour sur deux, étant donné les durées différentes de validité du pass sanitaire selon les situations (6 mois en cas de rétablissement, 48 h pour un PCR) et prendre ainsi la durée la plus courte…
La question des personnes présentant des contre-indications risque également d’être délicate à gérer, la contre-indication pouvant être permanente ou temporaire. Un décret, qui sera pris après avis de la Haute Autorité de Santé, devra préciser les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination et permettant la délivrance d’un document pouvant être présenté à la place du pass sanitaire.

Le Ministère avait annoncé qu’il examinerait les possibilités de ne pas avoir à contrôler les salariés tous les jours mais on voit mal comment on pourrait envisager des contrôles espacés sans, de fait, porter atteinte au secret médical ou fournir indirectement l’information que le salarié est vacciné ou non.
En l’état de la loi votée, les employeurs ne peuvent donc pas imposer des mesures plus strictes que celles autorisées, par exemple une vaccination au lieu d’un pass sanitaire ou un pass sanitaire s’il n’est pas obligatoire. Seule une nouvelle loi pourrait l’autoriser et il est peu probable qu’elle voit le jour immédiatement, même si elle est juridiquement possible. En effet, les jurisprudences tant françaises qu’européennes considèrent que l’obligation vaccinale, qui constitue une atteinte à la vie privée, doit être proportionnée au but à atteindre en matière de protection de la santé publique.
Ainsi, le Conseil d’Etat et la Cour Européenne des Droits de l’Hommes (CEDH) ont validé l’obligation vaccinales des enfants (passage à 11 vaccins obligatoires) en prenant en compte la contagiosité des maladies, leur gravité, l’état de la couverture vaccinale, l’efficacité des vaccins et leurs effets indésirables. Une vaccination obligatoire contre la Covid subirait donc le même examen et, à ce titre, l’efficacité des vaccins – notamment avec la question des nouvelles doses à venir – et les effets indésirables seraient âprement discutés pour déterminer cette proportionnalité au but poursuivi. Cette balance «bénéfice-risque » sera alors examinée pour déterminer si l’ingérence envisagée – que l’on parle du pass sanitaire ou de la vaccination obligatoire – est « nécessaire dans une société démocratique » selon la formule de la CEDH.

C’est à ce même examen que se livre actuellement le Conseil Constitutionnel, ce qui pourra d’ailleurs l’amener à censurer certaines parties de la loi, ou à prononcer des réserves d’interprétation, autrement dit émettre des directives indiquant à l’exécutif ce qui doit être précisé ou aménagé dans les décrets à venir pour que la mesure soit conforme à la constitution.

A défaut d’obligation, l’employeur est-il légitime à inciter ses salariés à la vaccination ?

C’est en tout cas ce que prévoit le protocole sanitaire pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19, qui indique que les employeurs doivent notamment diffuser aux salariés l’information sur la vaccination par les services de santé au travail (SST) et qu’il ne peut s’opposer à une absence du salarié pour se rendre à un SST pendant ses heures de travail.
La loi nouvelle va plus loin, précisant que les salariés bénéficient d’une autorisation d’absence pour se rendre aux rendez-vous médicaux liés aux vaccinations contre la Covid-19. Cette absence est rémunérée et assimilée à du temps de travail effectif. Là encore, de fait, cela pourrait donner une indication sur le statut vaccinal des salariés mais la précision était nécessaire pour permettre à ceux qui le souhaitent d’accéder de manière plus aisée à la vaccination.