Ecouter, c’est se soumettre

Dans nos cultures occidentales, la personne qui écoute ou doit écouter, c’est le jeune, l’inexpérimenté, le débutant, l’élève… La personne soumise qui ne sait rien. Quand vous écoutez, l’autre s’empresse de vous expliquer la vie, la sienne et de prendre le territoire. Vos collaborateurs n’hésiteront pas à vous donner des leçons de vie ou à vous déclarer incompétent. Pour peu qu’en plus vous posiez des questions et écoutiez les réponses, et il en serait fini de vous. Sachez que la posture de l’écoute invite à pencher légèrement la tête, ce qui au mieux est une position de soumission, au pire de séduction.
Enfin, si écouter s’accompagne de la moindre hésitation, c’est cuit pour vous : se justifier, s’excuser, bafouiller, déclarer ne pas savoir seront les armes fatales de votre suicide organisé. Ecouter veut dire s’ouvrir à l’autre donc, prendre le risque d’entendre quelque chose de surprenant. Le genre d’annonce qui perturbe le planning, les urgences et les budgets…
Pas étonnant dans ce contexte que les managers n’aient pas envie de se taire…

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Ecouter, c’est être envahi 

Il y a quelque chose de guerrier dans la fonction managériale qui pousse à devenir envahissant : prendre la place, occuper le territoire, s’imposer. L’écoute est dans ce cadre tout au plus un outil tactique pour mieux manipuler : générer moins de résistance, obtenir la capitulation, se faire aimer peut-être. Dans tous les cas, surtout ne pas écouter trop longtemps…
Cette fonction territoriale du management a une origine tribale : le chef est celui qui parle… les autres ont le droit de se taire. Le silence bien mal nommé au masculin est tout en féminité, et bien loin de la démonstration de force nécessaire pour en avoir.
Cette fonction territoriale du management qui défend ses équipes aussi vient du cerveau limbique qui adore sécuriser, protéger, ordonner aussi.
D’autant plus que le silence inquiète : « Mais qu’en dit la direction ? » ; « Quelle est la vision stratégique ?», « Qu’allons-nous faire ? » « Où allons-nous aller ? » sont des questions de plus en plus fréquentes dans nos environnements mutables.
Parler, communiquer, vont rassurer, alors que faisons-nous d’écouter…? Et bien n’écoutons pas… Ou bien… prenons ce risque ?

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Directeur au téléphone

Parler ET écouter plutôt que parler OU écouter

Il me semble qu’une idée reçue fait beaucoup de mal à l’art de se taire. Cette croyance ultra limitante selon laquelle il faut se taire pour pouvoir écouter. Le principe est tout à fait juste, mais ce qu’il faut taire c’est le discours intérieur, c’est-à-dire la petite voix qui parle en soi pendant que l’autre raconte. Celle qui dit « Tiens c’est comme moi qui… » ou « Quand  va-t-il s’arrêter pour que je puisse répondre ».
Il est tout à fait possible d’écouter tout en parlant. Certes, cela demande un peu d’entraînement, comme une gymnastique pour chauffer les muscles. D’autre part, il est possible d’écouter sans avoir l’air d’un suivant ou d’un élève. Simplement, en restant bien aligné. En supprimant de son vocabulaire et de sa posture le doute, la justification, le négatif. Avant tout chose, en posant le cadre de l’échange : combien de temps, ce qu’on va faire ensemble, la limite….
Ecouter au final transformera le manager en leader ou déjà en bon manager et évitera de porter son équipe sur ses épaules parce qu’ils auront un peu plus envie d’y aller sur leurs propres pieds.

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