Attendu par nombre d’entreprises, le nouveau décret accordant une provision d’égalisation aux captives de réassurance de l’hexagone est une avancée on ne peut plus positive pour les sociétés qui peinent à s’assurer auprès des compagnies d’assurance. Surtout, il marque un changement de posture significatif : la France entend redevenir attractive et compétitive. Le message est envoyé.

Feu vert pour les captives de réassurances

Il aura suffi d’un simple changement pour encourager des captives de réassurance en France. L’instauration d’une provision pour résilience change la donne pour les entreprises qui pourront enfin mutualiser leurs risques sur la durée, ce qui n’était pas le cas auparavant. En se calquant sur le modèle luxembourgeois, les entreprises se constitueront une forme de « réserve » en prévision de risques futurs et constituée à partir de leur résultat annuel… Permettre la mutualisation dans le temps est critique pour des groupes qui n’ont pas la surface d’un assureur pour bénéficier d’une mutualisation intra annuelle. Et cela pourrait bien tenter ceux qui attendaient une inflexion de la part du législateur.

En lissant les bons et mauvais exercices dans le temps, ce nouveau décret constitue un réel pas vers la résilience des entreprises et installe également un climat de stabilité plus que bienvenu pour le marché de la réassurance. Sans surprise, seules les captives de réassurance sont concernées par ces nouvelles mesures afin d’éviter les effets d’aubaine non désirés auprès des autres acteurs du secteur. Pour autant, et si ce décret est un signe d’ouverture, il ne constitue ni plus ni moins qu’une mise à niveau nécessaire du système français par rapport à d’autres nations comme le Luxembourg.

Pas d’explosion du nombre de captives

Il faut savoir que la création de captives, démarche complexe et règlementée, n’est pas un desiderata des entreprises ou motivée par une opportunité fiscale, elle est en réalité intimement liée à l’état du marché de l’assurance. La création d’une captive n’est pas anodine et demande du temps ainsi que des ressources. Cependant, et dans le cas où les entreprises ne peuvent s’assurer complètement auprès des compagnies d’assurance en raison d’un niveau de couverture insuffisant ou de prix trop élevés, la captive prend alors tout son sens. Actuellement, la hausse du risque cyber, la tension sur certains risques (Dommages aux Biens, Responsabilité Civile), par exemple, installe un climat de tension « favorable » à la création de captives mais de là à affirmer de façon claire que leur nombre explosera dans les années à venir, le pari est risqué.

Et même si certains doutent de la pérennité de cette mesure, l’assouplissement du cadre français est à même d’attirer les entreprises qui ne souhaitaient pas créer de captive dans un autre pays. Le législateur cible avant tout ces sociétés, car il ne peut compter sur une vague de re-domiciliation des captives installées au Luxembourg ou ailleurs. La bascule d’une telle structure d’un pays à l’autre étant chronophage et fiscalement couteuse.

Une nouvelle attractivité qui fait débat

Ne nous leurrons pas, la publication de ce décret n’est pas uniquement destinée à donner un outil aux entreprises pour mieux gérer leurs risques, elle instaure dans le même temps un environnement plus compétitif à l’échelle européenne. Une attractivité perçue par certains comme une faveur (fiscale) octroyée aux entreprises. En d’autres mots, la France serait en passe de devenir un paradis fiscal. Coupons court à ce faux débat : non ce décret n’élude pas l’impôt, il ne fait que le mutualiser dans le temps

Au bout de 15 ans, si la provision pour résilience n’est pas utilisée par la captive, celle-ci sera taxée à hauteur de 25%. Il n’y a pas la volonté de créer une niche mais bien de donner aux entreprises un moyen de mieux appréhender les fluctuations d’un secteur très volatile et aléatoire. Et avec cette attractivité devrait suivre un écosystème qui avait préféré s’installer ailleurs en Europe. Et donc un bénéfice pour les finances publiques

Pour l’heure, de plus en plus d’entreprises à l’image de Seb, Bonduelle, Lactalis ou encore Publicis, ont obtenu un agrément afin de domicilier leur captive en France. Une tendance à même de concurrencer le modèle luxembourgeois ? Seul l’avenir nous le dira.

*compagnie d’assurance ou de réassurance, filiale d’une entreprise ou d’un groupe industriel ou commercial, chargée d’assurer les risques d’entité propriétaire, notamment les risques difficiles à couvrir  via des assureurs habituels.
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