Une décision est bonne parce qu’elle donne les résultats escomptés. Cela implique la participation active des parties prenantes à sa mise en œuvre. Mais comment arriver à obtenir cette collaboration ? En mettant l’emphase sur la formulation du problème.

La qualité d’une décision se juge a posteriori

Elle est bonne parce qu’elle a marché et, surtout pas, parce qu’elle était bonne au départ ! En fait, elle a fonctionné parce que les différentes parties prenantes ont activement coopéré à sa mise en oeuvre.
Bien conscient de cette réalité implacable, Albert Einstein a répondu à la question de savoir ce qu’il ferait s’il lui restait seulement une heure pour sauver le monde : « Je passerais 55 minutes à définir le problème et, après, seulement 5 minutes à le résoudre. » Cela place explicitement l’accent sur la formulation du problème dans le processus de prise de décision.
Un tel exercice ne peut se faire isolément par une seule personne compte tenu du réseau structuré qu’est chaque organisation. Cela implique la complexe conciliation d’une diversité de points de vue, non seulement en ce qui a trait à la définition de la situation problématique, mais aussi la finalité à poursuivre dans la décision.

Vous devez mettre toute votre attention à formuler le problème

Il s’agit de réaliser un processus de prise de connaissance de la situation problématique telle qu’elle est vécue et perçue sur le terrain, de façon à aider les parties prenantes à en dégager une représentation acceptable par chacune d’elles et ainsi la mobiliser pour sa résolution. Des éléments et des enjeux a priori irréconciliables sont reliés afin d’arriver à un monde partagé, mais attention, JAMAIS COMMUN.
Cette formulation ne repose donc pas tellement sur la description la plus exacte possible du problème, les faits comme disent les experts. Elle prend plutôt racine dans la conjugaison de la pluralité des perceptions qu’en ont les différentes parties prenantes. Ce faisant, il ne suffit pas d’identifier ces dernières, de les interroger sur leurs perspectives et leurs enjeux, mais bien d’amorcer un dialogue, d’établir des liens.

Par conséquent, ce n’est pas tellement votre solide connaissance de la situation qui vous rend habile à formuler un problème, mais plutôt votre facilité à interagir et, surtout, la confiance acquise auprès des autres acteurs. Il faut favoriser les échanges utilisant votre créativité pour traduire les positions et les enjeux de chacune pour les autres. Cela veut dire : refuser tout raisonnement a priori, éviter de découper, s’intéresser au cheminement des informations et considérer les faits uniquement à partir des interprétations qu’en font les parties prenantes.

Une démarche créative et inclusive en quatre phases

1 – Faire émerger une première formulation du problème

D’abord, en prenant impérativement soin de mettre en sourdine ce que vous en pensez, il importe d’analyser le contexte, surtout les acteurs en présence, leurs intérêts, enjeux et degré de convergence. Vous devez identifier et caractériser ce qui unit et ce qui sépare. Il devient alors possible d’élaborer une première formulation de la problématique qui pourrait lier les intérêts des parties prenantes, les amenant à passer d’une position singulière à une acceptation de coopération. C’est ainsi que prend forme un réseau où la participation de chacune est primordiale.

2 – Sceller des alliances

Cette étape vise à ce que chaque acteur fasse sienne la formulation proposée. Vous devez l’intéresser à entrer dans le jeu des convergences en le persuadant qu’il y va de la protection de ses intérêts. Cela passe par l’établissement de relations avec les autres. Il faut reformuler, expliquer, convaincre, adapter votre première formulation à sa réalité qui va elle-même évoluer et se préciser. Des alliances vont ainsi se sceller, conduisant à la validation d’une vision partagée. C’est alors que sont jetées les bases d’un alignement des acteurs se constituant en un réseau interactif.

3 – Définir et coordonner les rôles

Les parties prenantes étant maintenant intéressées par la formulation du problème, il est temps d’attribuer à chacune un rôle qu’elle doit accepter. Cela se fait dans une sorte de négociation de la division des tâches et responsabilités qui permet d’enraciner ce qui les lie et ainsi consolider le réseau.

4 – Étendre le réseau à l’ensemble des acteurs s’il y a lieu

Dans les phases précédentes, seuls les porte-paroles sont directement impliqués. Il s’agit donc maintenant d’étendre le réseau en mobilisant tous les membres des groupes. Il importe de déterminer qui parle au nom de qui et jusqu’à quel point leurs engagements sont supportés par les membres de leur collectif ? La formulation du problème a conduit à la création d’un réseau de liens contraignants. Mais ce consensus peut être remis en cause à tout moment. En effet, une partie des acteurs peut sortir du jeu, contester l’analyse ou la place qu’on leur assigne. Ces controverses obligent à rediscuter des règles du jeu, à préciser ou faire évoluer les frontières des groupes. Le processus contribue ainsi à déplacer les conceptions et les argumentaires permettant de restabiliser le réseau.

Comme le montre ce cheminement en phases progressives, la formulation d’un problème est un processus avant d’être un résultat. La formulation première, simple conjecture, est transformée afin de mobiliser l’ensemble des acteurs. Sa préoccupation centrale est la création et le maintien de liens entre ces derniers.  Mais, en font aussi partie les dissidences et trahisons remettant en cause certains acquis et obligeant à reformuler.

Pour aller plus loin dans cette réflexion consulter : Les problèmes organisationnels : formulation et résolution, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2010