L’après Covid19 est déjà dans tous les esprits, et la crise économique qui s’annonce va être d’une ampleur jamais connue. Les débats en cours sur les secteurs stratégiques qu’il faut absolument sauver du naufrage font, à mon avis, trop l’impasse sur le secteur culturel. Le monde du livre notamment, que ce soient les auteurs, les éditeurs, les libraires ou les médiathèques, n’est pas suffisamment pris en considération.

La déstabilisation de cet écosystème peut être dramatique pour notre société. Le livre est un passeur de savoir qui reste, et restera, indispensable pour bâtir une réflexion collective, échanger et confronter les idées avec pertinence, passion et respect. La librairie, qui n’est pas qu’un lieu de commerce mais avant tout un lieu d’échanges, de découvertes et de rencontres, restera essentielle.
La crise actuelle impose la fermeture de nombreux lieux physiques, dont les librairies, et favorise les usages numériques. Comme, n’en doutons pas, une prochaine crise mettra un jour à mal nos outils numériques. La question n’est donc pas d’opposer les deux, mais de réfléchir pour l’après-crise à comment mieux jouer la complémentarité et construire ensemble un écosystème multicanal favorisant avant tout l’accès à la lecture pour le plus grand nombre.

À consommer sur place ou à emporter ?

Qui peut croire encore aujourd’hui que Netflix ou Canal+ empêcheront les gens d’aller au cinéma ? Que la livraison à domicile par Frichti et Just-Eat fera disparaître les restaurants ? Ou que Deezer ouSpotifyentraineront la fermeture des salles de concert ?
Il existe plusieurs modes de consommation : l’expérienciel sur place, l’achat pour consommer à la maison,et les nouveaux modèles d’accès par abonnement qui favorisent la diversité de choix, de formats et de créateurs.
Ces différents modèles coexistent, se complètent et s’alimentent en développant des passions communes. Le livre n’échappe pas à cette tendance et de plus en plus de lecteurs basculent aussi vers l’abonnement en ligne. Le confinement en est un révélateur et nous montre que le monde de l’édition ne peut plus se passer d’une alternative numérique.

L’abonnement en streaming offre selon moi un nouveau canal de diffusion stable pour le livre et la culture francophone. Un média accessible à tous, y compris aux jeunes lecteurs, plus mobiles et plus versatiles, qui ont pris l’habitude de piocher ce qu’ils veulent dans une multiplicité de contenus. C’est également une nouvelle façon de maîtriser son budget et de l’adapter en fonction de ses envies.
Lieux physiques et plateformes de streaming s’adressent à des lecteurs différents ou qui souhaitent accéder à ces deux possibilités complémentaires.
La France a besoin de créer un équivalent culturel et francophone des grandes plateformes de contenu en streaming. Un besoin qui se fait largement ressentir pendant le confinement : la lecture numérique a augmenté de plus de 100% depuis le début du confinement et la Fnac connaît une croissance globale de 130 % des achats de livres électroniques sur son site (Source : Les Echos). Mais le vrai révélateur de cette crise c’est l’émergence de l’abonnement chez Youboox, et nous avons multiplié par 4 le nombre de nouveaux abonnés.

Révolution digitale et nouveaux usages : aussi une chance pour le livre

Le rôle de la distribution en streaming n’est pas seulement de répondre aux nouveaux usages ou d’apporter aux lecteurs une solution d’approvisionnement en livres dans un contexte de confinement. Elle se met également au service des éditeurs pour leur apporter des outils de visibilité et de marketing ciblés, afin de les accompagner durablement dans l’évolution de la lecture. Elle permet par exemple aux plus petites maisons d’édition, qui prennent le risque éditorial et financier de lancer de nouveaux auteurs, de les faire émerger.

Les auteurs ont également besoin d’une forte visibilité, et de services leur permettant de lutter contre le piratage numérique, de toucher de nouveaux lectorats en France comme à l’étranger. Ce que permet la distribution numérique aujourd’hui. Je pense que tous les éditeurs doivent désormais faire le choix d’une double distribution de leurs contenus en streaming et en physique.
Dans cette optique, je rejoins les propos de Franck Riester, Ministre de la Culture qui déclarait en mars dernier sur Twitter : “Je souhaite que nous développions, avec tous les acteurs de la filière du livre, un accès facilité et grand public au livre audio et au livre numérique. #COVIDー19”

Répondons « oui » à cet appel ! Plus que jamais, il faut, face à cette crise sanitaire, proposer de nouveaux modèles d’accès à la lecture et la culture. Le livre doit faire plus que survivre, et nous devons tous aujourd’hui travailler main dans la main pour préserver et développer ce secteur essentiel, dans toute sa diversité et sa richesse.