Un « new deal » social est non seulement possible mais sa mise en œuvre est même facilement mesurable.

Le fantasme ultime du dirigeant, c’est d’avoir des collaborateurs qui donnent le meilleur d’eux-mêmes pour maximiser la réussite et la pérennité de l’entreprise. Cela signifie avoir des collaborateurs aussi engagés que possible -sans toutefois aller jusqu’au burnout. Suffisamment d’études ont démontré ce qui est de toute façon intuitivement évident : plus les collaborateurs sont engagés, mieux ils travaillent et meilleurs sont la productivité et les profits. Autrement dit, la performance est fonction du niveau d’engagement. Une enquête de PwC indique d’ailleurs que, avec des collaborateurs engagés, l’amélioration de la productivité et des profits peut même atteindre 35%. C’est loin d’être négligeable…
Le comble est que les collaborateurs animés d’une motivation intrinsèque aspirent également à être aussi engagés que possible car s’ils le sont, cela implique deux impératifs qui leur sont très favorables : le premier est que ce qu’ils font est suffisamment porteur de sens pour les motiver. Le deuxième que leur employeur ainsi que leur manager les traitent suffisamment bien pour qu’ils aient du plaisir à se rendre à leur travail. Ces deux aspirations sont légitimes et incontestables.
En théorie, il apparait ainsi sans ambiguïté que les dirigeants et les employés partagent le même désir de maximiser le niveau d’engagement de ces derniers. L’alignement devrait logiquement être parfait. Cet alignement devrait, en toute logique, être la base du « new deal » social dans lequel tout le monde trouve son intérêt.

La pratique ne ressemble malheureusement pas à la théorie

Et pourtant, dans la vraie vie, cet alignement semble relever du fantasme. En effet et comme l’a déjà souligné Isaac Getz, le niveau d’engagement des employés est généralement très faible. Par exemple, moins de 20% des employés français ou allemands se rendent à leur travail avec l’intention de contribuer à la réussite de leur employeur. Il va de soi qu’un niveau d’engagement aussi bas ne permet pas de maximiser la performance.
Les conséquences de ce manque d’engagement des collaborateurs sont désastreuses pour tout le monde.  Avec une performance sous-optimale, l’état perd en compétitivité et en revenus fiscaux (puisque les entreprises gagnent moins d’argent que ce qu’elles pourraient gagner avec des collaborateurs engagés). Les actionnaires ne tirent pas le meilleur parti de leur investissement. Les cadres ont des bonus moindres et retirent moins de gratification de leur activité d’encadrement. Les collaborateurs sont enfin frustrés de ne pas se sentir engagés.
Face à un bilan aussi désastreux, vous pourriez être tentés de penser qu’il s’agit d’une fatalité. Il n’en est heureusement rien. La bonne nouvelle est que le remède est à la portée de tous ceux qui sont prêt à remettre en question certaines idées reçues qui empoisonnent depuis des années les relations employés-employeur. La recommandation qui suit ouvre la porte à un « new deal » social tout à fait réaliste.

La clé, c’est la mesure du niveau d’engagement

L’engagement des collaborateurs étant le dénominateur commun, il semblerait que la moindre des choses soit de le mesurer. Il y a certes des enquêtes de climat que certains qualifient de mesure d’engagement mais elles ne sont malheureusement pas le meilleur moyen de mesurer le niveau d’engagement que les cadres arrivent à susciter auprès de leurs équipes. N’ayant pas la place d’expliquer ici pourquoi ces enquêtes de climat ne permettent pas de mesurer convenablement le niveau d’engagement, ce sujet fera l’objet d’un prochain article. Il est aussi traité dans mon dernier livre. Je me contente juste de rappeler ici que le choix de l’indicateur, la manière de le mesurer et ce qu’on en fait ont un impact déterminant sur le résultat obtenu sur le terrain.
SI le niveau d’engagement des collaborateurs n’est pas mesuré, il est impossible de savoir si la performance réalisée est réellement la meilleure susceptible d’être obtenue. En effet, si la performance mesurée a été réalisée par des collaborateurs non engagés, cela signifie qu’elle aurait pu être substantiellement plus élevée si ces mêmes collaborateurs avaient été engagés.
Pour s’assurer que leur entreprise est gérée au mieux, les actionnaires devraient naturellement et impérativement exiger que le niveau d’engagement des collaborateurs soit mesuré sans aucun biais. En complément de la performance qui est d’ailleurs déjà mesurée, mesurer l’engagement est le seul indicateur qui leur permet de savoir si les cadres qui dirigent leur entreprise font leur travail de cadre correctement (soit maximiser le niveau d’engagement des personnes qu’ils encadrent). Renoncer à cette mesure, c’est renoncer à savoir si la performance mesurée est optimale parce que celle qui est mesurée pourrait avoir été livrée par des collaborateurs non engagés.
De plus, comme le niveau d’engagement est la clé du « new deal » social, sa mesure est une nécessité incontournable pour s’assurer que l’alignement des aspirations de toutes les parties prenantes est au rendez-vous. Ne pas le mesurer revient en pratique à renoncer au « new deal » social. Non seulement à y renoncer mais aussi et surtout à faire savoir à tous les intéressés qu’on y renonce.

Exprimer qu’on ne tient pas particulièrement à avoir des collaborateurs engagés, c’est affirmer haut et fort qu’on se satisfait d’un encadrement moyen à médiocre. C’est aussi se mettre à dos les parties prenantes : en plus de fâcher les actionnaires, cela aggraverait la démotivation des bons collaborateurs qui n’ont pas encore abandonné le navire déjà en dérive. Ce ne serait enfin pas très incitatif pour attirer et retenir les talents. Le choix de mesurer l’engagement ou pas ne devrait donc pas exister.