Pour ce qui est du travail, nous pouvons déjà, de la crise que nous connaissons, tirer des leçons.
La première, là où le télétravail est possible, il fonctionne.
La deuxième, non seulement il fonctionne, mais il fonctionne très bien.
Nous expérimentons ce que nous savions, au moins de façon théorique, le télétravail est souvent plus intense que le travail dans des conditions habituelles, et la productivité certainement bien meilleure. Les réunions sont plus efficaces, il n’y a pas de place pour les discussions annexes. Les réunions démarrent à l’heure, se terminent à l’heure. Quant aux « tours d’écrans », eux aussi sont beaucoup plus dynamiques que ce que nous connaissions trop souvent avec les « tours de table ».
La troisième, la technologie permet de construire de l’humain.
Des collaboratrices et des collaborateurs rapportent qu’ils ont pu échanger avec des personnes de l’organisation avec qui ils n’avaient jamais partager auparavant.

Comment on est passé à côté de l’essentiel

Si, maintenant, nous prenons un peu de hauteur, une évidence s’impose, nos organisations étaient en grandes fragilités. On pense naturellement aux délocalisations massives de la production… Autre évidence, si se concentrer sur ce qu’on a appelé la RSE, la lutte contre le réchauffement climatique étaient évidemment très important, on est passé à côté de l’essentiel. L’illustration de cette évidence, on redécouvre que les corps de métiers les plus importants sont les personnels soignants et, j’ajoute, les agriculteurs. Ces deux populations professionnelles étant peut-être les plus méprisés par la Nation. Quand pourtant, pouvoir se soigner, et pouvoir se nourrir, sont, pour le coup, ce que l’on redécouvre comme étant l’Essentiel. (Bien d’autres professions pourraient trouver leur place ici car elles participent elles aussi de l’essentiel, des professions elles aussi très souvent méprisées, on pense aux postiers, aux éboueurs…)

Notre perception du monde ne pourra plus jamais être la même

Surtout, et bien plus qu’un avant la crise et un an après la crise, nous devons comprendre notre perception du monde ne pourra plus jamais être la même. Ce que je veux dire par-là, et c’est ma conviction, c’est que la situation extraordinaire que nous vivons aujourd’hui pourrait devenir demain une situation presque ordinaire. Dit autrement, on peut imaginer des périodes de confinement plus ou moins longues, plus ou moins récurrentes. À partir de ce qui doit être pris désormais comme un possible, nous devons déjà tirer – même si cela demandera à être vérifié – des enseignements.

Les 3 enseignements à tirer pour une écologie globale et humaine

Le premier, nous devons, demain, au sein de nos organisations, être les promoteurs de ce que j’appelle une écologie humaine. Une écologie humaine qui fait ouverture à la paix économique qui valorise notre nature coopérative en lieu et place de nos pulsions agressives. Si l’on ne comprend pas que nous ne pouvons plus vivre avec seule visée ses intérêts propres et immédiats, si l’on ne comprend pas qu’être passif en regard de l’intérêt général, c’est être actif dans la destruction de la société, c’est qu’on n’a rien compris ! Nous devons rendre le monde capable de parler. Mieux, nous devons être capables de l’entendre.
Le deuxième, comme le propose Gaspard Koenig, philosophe et président du think tank GenerationLibre, il conviendra de redéfinir les modèles économiques – et j’y ajoute tous nos modèles stratégiques – pour y intégrer la résilience.
Le troisième, plus que de vouloir demain réinventer les organisations, les entreprises, ce qui voudrait dire repartir de l’existant, il me semble qu’il faudra inventer des choses tout à fait nouvelles, guidées dès lors par un impératif, tout mettre en œuvre pour que désormais plus rien de grave n’arrive.
Autant d’enseignements qui devront faire ouverture à faire (enfin) nôtres, et pour de bon, les mots de l’auteur de La Peste, Albert Camus. Nous sommes le 10 décembre 1957 à l’Académie Nobel : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. »
Ce qui appelle, ici et maintenant, chacune et chacun, à être à la hauteur du moment et de ses responsabilités.