On peut se sortir d’un accident de la route avec relativement peu de séquelles, avoir juste quelques problèmes de dos après un accident du travail ou un accident de la vie, et se dire qu’on pourra retourner au travail normalement. Or, après avoir subi un dommage corporel, il arrive très souvent qu’une victime ne puisse pas reprendre exactement la même vie professionnelle. Elle peut changer du tout au tout, ou s’en trouver très légèrement modifiée : c’est déjà suffisant pour constituer un préjudice. Que la victime soit dans l’incapacité totale de retrouver un emploi ou en interruption de travail, si ses conditions d’exercice sont modifiées des suites de son accident, l’indemnisation qu’elle recevra doit en tenir compte. Pourtant lorsque l’assureur propose de l’indemniser, c’est très souvent au rabais, et selon un barème flou.

La Nomenclature Dintilhac et le préjudice professionnel  

Pour évaluer le préjudice corporel et pouvoir indemniser la victime, l’assureur s’appuie sur l’expertise médicale établie par un médecin expert. C’est à lui que revient l’examen et l’évaluation des séquelles de la victime, avant et après consolidation de son état. Et c’est sur son avis que se chiffrera le montant de l’indemnisation.  Pour remplir son rapport, l’expert va s’appuyer sur la Nomenclature Dintilhac (2006), qui liste tous les postes de préjudices à estimer, retourne toutes les facettes de la vie de la victime pour comprendre ce dont elle a besoin et ce à quoi elle a droit. Elle permet donc de noter les souffrances physiques, les séquelles, le préjudice esthétique, le préjudice d’agrément ou le préjudice moral, le besoin d’aide et assistance d’une tierce personne, et chaque poste de préjudice peut être indemnisé. Seulement, cette nomenclature ne constitue en rien un barème, et un préjudice subi ne correspond jamais à un montant pré-établi. Impossible donc, de savoir à l’avance à combien peut se chiffrer l’indemnisation. Tout s’interprète.
Dans ce rapport d’expertise, apparaît aussi le préjudice professionnel. De tous les postes listés, c’est le plus difficile à établir, car c’est le plus subjectif. Il s’agit d’un poste forfaitaire, dont les montants indemnisés peuvent être variables, selon la situation de la victime, l’avocat intervenant pour sa défense, l’assureur en cause, voire le tribunal saisi.

La perte de revenus

Le premier aspect du préjudice professionnel que doit regarder un expert, ce sont les pertes de revenus. Les pertes de revenus actuels (qui correspondent aux arrêts de travail temporaires liés au temps de récupération, soins médicaux et consolidation de la victime) mais aussi les pertes futures. Et là, il faut être vigilant. Le médecin de l’assurance aura tendance à estimer que la victime peut retravailler si elle ne présente pas de handicap majeur. Tant que son traumatisme physique ne la rend pas totalement inapte au travail, le médecin conclura à un retour à l’emploi. La victime sera donc indemnisée pour son temps d’adaptation avant une éventuelle reconversion ou reclassement professionnel.  Mais ce constat ne tient pas compte de la réalité personnelle de la victime. Si elle possède des diplômes ou non, quelles sont ses qualifications, le niveau d’avancement dans son emploi antérieur et si elle peut poursuivre exactement au même poste ou devra subir un déclassement pour raisons physiques… Tous ces paramètres peuvent influer sur la carrière professionnelle de la victime et doivent donc être eux aussi indemnisables. Une personne non diplômée exerçant une activité professionnelle physique et qui n’est plus à même d’effectuer ces tâches sera en difficulté au moment de retrouver un emploi. Le revenu auquel elle pourra prétendre à un autre poste sera souvent inférieur. Par ailleurs, elle devra aussi suivre un temps de formation, qui constitue aussi une perte de gains professionnels actuels et futurs.

L’incidence professionnelle

L’autre ensemble de critères à examiner est ce qu’on appelle « l’incidence professionnelle ». Celle-ci prend en compte la pénibilité du travail, comme, par exemple, la difficulté nouvelle pour un cuisinier victime d’accident corporel de rester debout de longues heures dans la journée. Elle évalue aussi la possible dévalorisation de la victime sur le marché du travail : sans aller jusqu’à l’inaptitude ou l’invalidité complète, la victime peut avoir besoin de faire des pauses journalières ou d’un aménagement de travail qui réduisent sa valeur. On compte aussi la perte de chance professionnelle, soit une opportunité manquée, une promotion professionnelle perdue à cause de l’accident, ou une reconversion professionnelle entamée et qui ne pourra pas avoir lieu.  Dans le cas d’une inaptitude professionnelle définitive, la victime doit faire une croix sur sa carrière. Elle doit donc recevoir une juste indemnisation au titre de l’incidence professionnelle. Mais elle doit aussi être indemnisée pour sa perte de droits à la retraite. Qu’elle subisse un licenciement, se reconvertisse ou ait un déficit fonctionnel au travail, son salaire risque de s’en ressentir, et donc ses cotisations sociales aussi. Or, ce poste-là est essentiel à indemniser, et les assureurs oublient parfois cet aspect.
La clé pour que tous ces préjudices soient correctement évalués, c’est la présence d’un avocat spécialisé dans le dommage corporel. C’est lui qui, par son écoute active de la victime et sa connaissance précise du secteur, peut l’aider à projeter au mieux sa vie professionnelle future. Et exiger de l’assureur que la somme versée corresponde à la réalité que devra affronter la victime.

Et si la victime ne travaillait pas ?

Il peut arriver que la victime soit au chômage au moment de son accident, ou n’ait simplement pas d’emploi. Là encore, si elle veut avoir une chance d’être aidée correctement, il faut qu’elle soit accompagnée d’un bon avocat, car sa situation est encore plus subjective.  Si l’avocat peut démontrer que la victime était en recherche active d’emploi ou envisageait une vie professionnelle désormais gênée par l’accident, il peut obtenir une réparation au titre de l’incidence professionnelle.

Ce qu’il faut retenir

Quelle que soit la situation professionnelle de la victime au moment de l’accident et la gravité de ses séquelles, il se peut qu’elles aient des conséquences sur sa future carrière. Mais sans l’aide d’un expert, capable de vous aider à vous projeter dans tous les cas de figure susceptibles de changer ou d’être perturbés par votre accident, il vous sera difficile d’obtenir le juste montant d’indemnités qui vous aidera à surmonter ces futurs bouleversements.