L’immobilisme professionnel suspicieux

Malgré l’évolution de l’emploi bousculé par les turbulences économiques, financières politiques, nationales et surtout internationale, il est difficile de rester longtemps dans la même entreprise. Restructuration, rachat, fusion et absorption suffisent à expliquer un cursus accidenté de postes occupés quelques mois voire dans le meilleur des cas plusieurs années. Pourtant vous êtes encore nombreux à avoir capitalisé dans la même société. Parce que vous êtes fidèle par nature, ou plus vulnérable, vous avez réussi sans vous poser la question du changement. Lorsque le moment est venu de changer, de gré ou de force, il devient plus difficile de trouver un emploi après avoir travaillé longtemps pour la même entreprise. Ce qui était un gage de constance et de loyauté est de plus en plus interprété aujourd’hui comme un manque d’adaptabilité et un engourdissement de carrière.

Les progrès de la promotion interne

Les tenants de la fidélité à une entreprise vous l’expliquent : ces dernières années les politiques de promotion interne ont favorisé la sédentarité des cadres. Il est bien connu que cela coûte plus cher de recruter à l’extérieur que de procéder à une promotion interne. Dans les PME, les évolutions éclair pour les plus courageux, dans une ambiance plus conviviale et un management de proximité voire paternaliste, qui donnent plus de responsabilité justifient les carrières plus longues. On prend facilement du galon et on reste. Logique et normal. Moins valorisant, il y a tout simplement les rigidités des comportements, et la viscosité du marché du travail qui incitent les cadres à faire le dos rond et à rester prudents, voire à endormir leurs ambitions du moment. Résultat, on reste longtemps dans une entreprise et on contribue bon gré mal gré, peu ou prou, à la non fluidité du marché des cadres.

Le nomadisme garantit l’emploi durable

A côté de cela on constate des parcours de plus en plus fréquents dans lesquels le changement est la règle. On séjourne 2 à 4 ans dans une entreprise et, avant que celle-ci ne vous congédie, on la quitte pour de nouveaux horizons professionnels. Cette instabilité jadis signe d’inconstance, de manque de solidité, devenue une forme d’errance professionnelle devient souvent pour le cadre un gage d’employabilité. Les expériences variées dans des entreprises différentes entraînent une meilleure rémunération. Ces nouveaux modes de travail existent sûrement plus par nécessité que par choix, même si la génération Y semble l’apprécier. Cela paraît évident, en tant que cadre, vous devez vous adapter aux imprévus souvent prévisibles d’un licenciement économique, anticiper une précarité contractuelle, un temps partiel imposé, un forte pression au départ à la retraite, ou pour les juniors à des stages répétés sans emploi à la clé.

Fidélité ne veut pas dire sclérose

Les entreprises et les recruteurs apprécient de manière souvent contradictoire une longue période passée dans une même entreprise. Comme déjà évoqué plus haut certains recruteurs, en fonction de leur propre parcours, voient dans votre fidélité une capacité à mener dans le temps un projet, le signe de ténacité et d’un engagement. D’autres l’interprètent comme un laisser-faire professionnel, un manque d’aspirations, d’ambition, de curiosité, de confiance, d’adaptation… voire de performance selon les circonstances de la fin du contrat…Avant un entretien, vous devez savoir quelle est la philosophie ambiante dans laquelle l’entreprise et le recruteur exercent leurs appétences professionnelles. A celui qui voit mal comment on peut rester longtemps dans une entreprise, il vous revient de lui expliquer, dans cette entreprise vous avez changé, évolué, pris des risques et sut évoluer, vous adapter afin de ne pas être licencié. Vous avez su rivaliser avec des collègues qui voulait prendre votre place et appliquer des politiques malgré des équipes récalcitrantes. Adapter la valorisation de votre parcours sans pour autant perdre votre âme ou raconter n’importe quoi pour justifier un passé glorieux ou raté est un art difficile. Avec 20 ans dans la même entreprise, face à un recruteur qui voit d’un mauvais œil cette passivité de parcours, expliquez que vous avez poursuivi à la fois par égoisme – vous y trouviez votre compte -, mais aussi par respect de certaines valeurs comme l’engagement de mener une mission jusqu’à son terme.

Valoriser un cursus à géométrie variable

A vous d’adapter la meilleure valorisation de cette longue expérience. A vous de convaincre que la même entreprise sur un CV ne veut pas dire monotonie, endormissement et non prise de risques, mais au contraire un savoir-faire acquis, une activité réussie puisqu’on vous a de risques mais au contraire un savoir faire acquis, une activité réussie, puisqu’on vous a gardé tant d’années, des compétences techniques et comportementales ; vous avez résisté aux sirènes de la concurrence vous promettant des rémunérations supérieures. Vous pouvez expliquer aussi que vous avez eu le choix. Pendre un poste plus valorisant dans une autre entreprise, ou rester dans la vôtre, vous avez réfléchi, pesé le pour et le contre, analysé les risques des deux côtés, et surtout aussi pris en considérations votre situation familiale, surtout si votre conjoint est dans une période précaire. C’est l’occasion de vous positionner et de mettre en avant votre projet professionnel et vos valeurs. Vous démontrez votre goût du changement mais aussi le sens de vos responsabilités.

Comment réussir un entretien de recrutement

Si vous avez travaillé longtemps dans la même entreprise, à plus forte raison si vous n’en avez connu qu’une seule, vous devez vous méfier de vous-même et de vos propos. Parler de manière le plus possible neutre et relativiser vos expériences par rapport au poste qui vous est proposé. Votre intérêt est de vous projeter, de parler à votre interlocuteur de l’avenir. Montrez lui comment vous allez décliner les compétences acquises dans une nouvelle organisation, un nouveau management voire une nouvelle culture. La culture, ce sont des valeurs, vous avez les vôtres, parlez-en. Si vous mettez en avant des notions de responsabilité, engagement, loyauté et efficacité, vous avez des probabilités très fortes de séduire votre interlocuteur. Avant de vous lancer, réfléchissez à ce que votre ancienne entreprise a marqué dans votre façon de faire, quelle culture ou non culture vous a façonner sans que vous vous en rendiez compte. Et faites le deuil de cette entreprise, de ce que vous y avez vécu en bien et en mal, ce n’est pas renier le passé, c’est faire le vide, tourner la page. Si vous parlez continuellement de votre ancienne entreprise, votre interlocuteur se lassera. Votre entreprise, c’est le passé, votre recruteur veut parler d’avenir.