– Le salaire, c’est comme ma voiture pendant mes vacances à Saint-Tropez.
L’homme qui parle a la quarantaine. Du charme, il aurait pu être mannequin dans un magazine. Le cheveu savamment dépeigné, le look séducteur, il porte du Ralph Lauren et donne l’impression de sortir de Roland Garros ou d’arriver d’une semaine à Gstaad.
–  La première fois, j’avais une Twingo, le bide, l’année d’après avec un copain on a acheté une Cadillac rouge, on a fait un carton, les filles ne connaissaient que nous…
Devant mon étonnement, il se reprend et explique :
–  La question, c’est de trouver une activité qui rapporte le maximum. Pour résoudre ce problème, mieux vaut ne pas se laisser envahir par les questions d’argent. Tous les moyens sont bons pour s’en libérer, moi j’ai ma tactique alimentaire qui me permet de me concentrer sur ma stratégie professionnelle.
L’homme au style Delon se retient manifestement de parler à la troisième personne. Tout m’agace en lui. Le charme évident que les femmes doivent lui trouver, sa façon de donner des leçons comme s’il avait la solution miracle.
–  Je suis un homme libre, quand je rencontre un employeur ou un chasseur de têtes, moi, Monsieur, je dialogue en toute sérénité, je parle métier, je le crible de questions sur la fonction à occuper ou la mission à remplir.
–  Vous ne parlez pas d’argent ?
–  Je suis décontaminé de toute pollution monétaire, grâce à ma tactique alimentaire, je suis rassuré sur mes fins de mois, de toutes façons je ne suis pas à vendre, ni à acheter… vous savez, les patrons le sentent, donc on parle business, soit nos points de vue se rapprochent, on partage des émotions, soit il ne se passe rien, et le film est terminé…
Au-delà de son arrogance, il a raison. Je le constate des milliers de fois. Celui qui oublie l’argent pose les bonnes questions, montre son savoir-faire, ne sollicite pas un poste à tout prix, dialogue de façon mature sur tous les aspects d’un projet professionnel, y compris sur le salaire qui n’est pas un sujet tabou.  L’humain et les motivations priment sur tout le reste. Au moment de la perte de son job,  la question de l’argent se pose de façon cruciale. Il continue sa démonstration :
–  Un recruteur parle compétences,  si vous parlez argent, c’est un dialogue de sourd, alors moi je me mets à l’abri du besoin, de cette assedictature, comment ? ! Je gagne de l’argent par n’importe quel job, bien sûr légal et moral.
–   Quel rapport avec votre histoire de voiture à Saint-Tropez…?
–   Vous avez déjà dragué en Twingo,  dur dur  !  Avec un patron, c’est pareil. Si vous avez des soucis d’argent, même si vous ne le dites pas, il le devine, le besoin de fric, ça suinte de vos paroles, de vos gestes, et de votre regard surtout, oui,  surtout le regard qui a faim… ça, je l’ai compris, on ne m’y reprendra plus…. Mieux vaut faire envie que pitié.
“Le noms des personnes, des entreprises et des lieux ont été changés.”




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Paul-Emile Taillandier
Après l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et la Faculté de Droit d’Assas, Paul-Emile Taillandier commence sa carrière comme chargé de mission au Cabinet du Préfet de la Guadeloupe, puis devient secrétaire général d’une Union Régionale du MEDEF. De 1986 à 2008, il dirige le cabinet de recrutement Taillandier Conseil. En 2008, il crée Talents-Clés Conseil, cabinet spécialisé dans le recrutement de profil rare et fonde en 2012 "Cadre et Dirigeant magazine". Auteur d’un roman La Nuit Créole et d’un e book Curriculum à éviter. Page Google+