Le métier à tisser les élastiques ou Loom

En 2011, Cheong Choon Ng, ingénieur chez Nissan dans le Michigan, veut simplement impressionner ses deux filles, Teresa et Michelle, qui font des petits bracelets en élastique dans leur salon. Mais ces élastiques sont trop petits pour ses doigts d’adultes. Alors il conçoit après plusieurs essais un métier à tisser de 13 encoches sur 3 rangées. Les filles devenues accro commencent à faire des cadeaux aux voisins. L’aînée, Teresa, suggère de commercialiser le métier à tisser les élastiques ou Loom. Avec l’aide de son frère, Cheong Yeow Ng,aussi ingénieur, Cheong Choon a les compétences techniques pour produire. Toutefois, ils n’ont que 10 000 dollars en poche vite absorbés en production. De plus, le produit ne se vend pas, les gens ne savent pas quoi faire de ces élastiques et du métier.

L’idée géniale : des tutoriaux sur Youtube

Tout en s’appuyant sur des Google Ads. l’affaire démarre. Quelle que soit la langue parlée dans la vidéo, les images suffisent souvent et se diffusent dans le monde entier. L’entreprise grandit vite et le succès est au rendez-vous : 1,2 millions de métiers vendus en septembre 2013. Des ateliers se forment là où les jeux électroniques sont interdits – centres de loisirs, colonies de vacances, afin de faire grandir la créativité des enfants. Les enfants eux-mêmes font des vidéos, apprenant ainsi à présenter un message et vendent leur production. On parle alors de « kidpreneurs ». La technique de base est assez simple : les élastiques sont repliés sur eux-mêmes et tissés les uns aux autres. L’idée s’inspire du tricotin (fishtail), des bracelets brésiliens ou du scoubidou.

Les élastiques dans le monde entier

La production de Rainbow Loom commence sur place avec l’aide d’amis, de famille, de voisins, se délocalise en Chine et M Ng quitte son travail chez Nissan à l’automne 2012. Les bracelets arrivent en France par la famille Larençon de Quimper qui cherchaient aux USA une idée d’affaires et prend la distribution exclusive sur le territoire. Maintenant, des milliers de personnes font des modèles, diffusent sur YouTube et en protègent la conception. Ils relayent en quelque sorte l’information. Les modèles vont de bracelets basiques pour enfants de 5 – 6 ans à des modèles de tortue, de dragons, de figurines, de coques de téléphone. La mode et les stars s’en emparent : le pape François, Kate Middleton, tout le « beau » monde arbore les bracelets. Aux enchères, une robe défie la chronique, vendue 210 K€ sur ebay puis remise en vente l’acheteuse étant en défaut de paiement !

Le Pape François Crédit Abaca
Le Pape François Crédit Abaca

Avec le succès viennent aussi les menaces

D’abord la concurrence : le concept largement copié par d’autres, l’adresse du site internet détournée avec un point org, toutes sortes de métiers à tisser similaires, beaucoup moins chers (5 à 7 euros au lieu de 15). Les concurrents ont un réseau de distribution plus rapide (Amazon, Priceminister, etc.) Une autre menace est interne : les produits souvent en rupture de stock, l’entreprise peine à s’adapter à une croissance aussi rapide. La menace la plus importante serait que la mode passe comme celle du pin’s. Deux scénarios probables : les élastiques disparaissent de notre vie ou ils deviennent un jouet régulièrement à la mode comme la corde à sauter ou les billes. Les critiques disent que les bracelets ou autres modèles ne sont pas solides et polluent (plastiques).

Qualité et innovation pour rester au top

Tout n’est pas aussi sombre. Les métiers à tisser originaux sont d’une qualité incomparable, plus solides, mieux conçus, moins d’élastiques cassés, la modularité permet des réalisations plus grandes, une meilleure qualité et une taille qui convient parfaitement à l’exercice, leur solidité, ils résistent à l’eau et passent l’été au moins. Rainbow Loom propose aussi des solutions innovantes pour rester au top : nouveaux métiers de voyage, élastiques parfumés ou phosphorescents, couleurs spécifiques (chair pour faire des figurines). Les médias se demandent si la fin d’une vague joyeusement créative est arrivée ou si l’entreprise vit une phase de maturité – gestion, organisation, logistique, rationalisation.

Le potentiel pédagogique des élastiques

Selon moi, le côté ludique et pédagogique lui-même va peut-être sauver le concept : « tisser » permet de travailler les mains, le cerveau, l’attention, la créativité, les couleurs. Il sort nos enfants d’internet et des jeux en ligne. Certes, ils vont sur YouTube, mais les tutoriaux sortent sur papier/ magazine. Les Loom séduisent les enseignants, les centres de loisirs qui vont investir dans de la qualité résistante. Très proche d’une économie « nouvelle », le Rainbow Loom permet le partage, le troc : « on échange les élastiques », du don « je te donne ce que j’ai réalisé ». Pour toutes ces raisons, j’espère que la mode survivra à l’hiver.  POUR EN SAVOIR PLUS http://www.rainbowloomcreative.fr/