Nous venons de célébrer le quarantième anniversaire de l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République. Moment d’euphorie pour certains, tragédie politique pour d’autres, cet événement a au moins permis une première alternance sous la Cinquième République. Les grands idéaux qui ont porté les socialistes au pouvoir se sont vite heurtés aux dures réalités économiques et sociales des années 1980, marquées par la désindustrialisation et le chômage de masse. Elles ont tout de même laissé un important héritage social, notamment en matière de formation professionnelle. Focus sur la « loi Rigout » du 24 février 1984.

Le réaménagement du congé de formation

Les lois Auroux de 1982 ont contribué à renforcer les prérogatives des représentants du personnel dans les entreprises et la loi de décentralisation du 7 janvier 1983 a transféré des compétences, qui donnent aux régions des possibilités d’intervention et de financement. En complément, les partenaires sociaux parviennent, le 21 septembre 1982, à un accord pour développer l’utilisation du congé de formation. Ils prévoient, en particulier, de créer des fonds gérés paritairement et chargés de faciliter les financements. Le 26 octobre 1983, un autre accord est obtenu pour développer l’alternance et l’insertion professionnelle des jeunes.
Prenant acte des accords conclus par les partenaires sociaux, le Gouvernement charge le ministre Marcel Rigout de préparer une réforme. Un projet de loi est adopté en conseil des ministres puis présenté aux parlementaires. A l’issue des débats, la loi est promulguée le 24 février 1984 pour réformer la formation professionnelle.
Les nouvelles dispositions relatives aux congés de formation sont d’abord mentionnées à l’article 5, qui indique que les salariés bénéficiaires de ces congés ont droit à une rémunération minimale, calculée en appliquant un pourcentage de la rémunération perçue avant le début de chaque congé. Cette rémunération minimale est versée par l’employeur, qui peut demander un remboursement à un organisme collecteur.

Les entreprises doivent contribuer annuellement au financement d’actions de formation, 0,10 % de leurs contributions est alors obligatoirement versé à des organismes collecteurs. Du fait de la décentralisation, l’article 13 dispose que les régions peuvent aussi participer à la rémunération des salariés bénéficiaires de congés de formation.

Les nouvelles règles du dialogue social

Selon l’article 20 de la nouvelle loi, les représentants du personnel sont obligatoirement consultés « sur les orientations de la formation professionnelle dans l’entreprise en fonction des perspectives économiques et de l’évolution de l’emploi, des investissements et des technologies dans l’entreprise » puis sur « l’exécution du plan de formation du personnel de l’entreprise de l’année précédente et sur le projet de plan pour l’année à venir ».
Ces dispositions signifient concrètement que l’employeur doit dorénavant procéder à deux procédures d’information et de consultation des représentants du personnel : une première relative aux orientations de la formation professionnelle et une seconde relative au plan de formation de l’année précédente et au projet de plan de formation de l’année suivante. Ces procédures de consultation sont toujours applicables aujourd’hui aux membres des comités sociaux et économiques.

Il est alors également prévu que « dans les entreprises employant au moins deux cents salariés, les représentants du personnel constituent une commission de la formation qui est chargée de préparer les délibérations du comité d’entreprise ». Par ailleurs, dans chaque branche, les partenaires sociaux doivent se réunir « pour négocier sur les objectifs et les moyens de la formation professionnelle des salariés ».

Les formations en alternance

La section II de la loi du 24 février 1984 est consacrée aux formations en alternance. Selon l’article 35 « tout jeune de dix-huit à vingt-cinq ans peut compléter sa formation initiale dans le cadre de formations alternées ». Ces formations « ont pour objectif de permettre aux jeunes d’acquérir une qualification professionnelle, de s’adapter à un emploi ou à un type d’emploi ou de faciliter l’insertion ou l’orientation professionnelles ».
Les dispositifs proposés sont le contrat de qualification, le contrat d’adaptation et le stage d’initiation à la vie professionnelle. Il est prévu que ces formations « associent des enseignements généraux professionnels et technologiques dispensés pendant le temps de travail, dans des organismes publics ou privés de formation, et l’acquisition d’un savoir-faire par l’exercice en entreprise d’une ou plusieurs activités professionnelles en relation avec les enseignements reçus ».
Avant toute formation en alternance, l’entreprise doit informer et consulter les représentants du personnel puis signer une convention, qui détermine le rôle des tuteurs
« chargés d’accueillir et de guider les jeunes pendant leur temps de présence en
entreprise ».

Durant le second septennat de François Mitterrand, l’accroissement du niveau du chômage parmi les jeunes va pousser à utiliser encore plus les dispositifs d’alternance. La formation professionnelle va alors être de plus en plus considérée comme un moyen d’action de la politique de l’emploi.