De la Rome antique à nos jours

L’échange de cadeaux dans nos sociétés est de coutume ancienne. Dans la Rome antique, on prétend que les romains en recevaient à l’occasion des banquets qu’ils organisaient pour fêter leur anniversaire. Dans la tradition des mariages, le père, ou la famille quand il n’en avait pas les moyens, contribuaient aux charges du jeune couple par la remise d’une dot ou de cadeaux. A la fin du XIXe siècle, les grands magasins parisiens encourageaient, et peu à peu démocratisaient, les cadeaux offerts aux enfants à l’occasion de Noël. Dans les affaires, il semble que les cadeaux soient nés avec le commerce lui-même.
Au cours du XXe siècle, la fiscalité a tenté de s’adapter à la coutume, en définissant les règles de déduction des cadeaux d’affaires dès 1965, ou en distinguant le présent d’usage de la donation. Parce que le cadeau est un coup budgétaire, difficile à contrôler et à circonscrire à la seule coutume.

Dans l’acceptation générale, le cadeau, ou présent, est « une chose qu’on offre à quelqu’un pour lui faire plaisir », la morale générale exigeant, en outre, que le plaisir recherché soit la seule récompense attendue du donateur.

Le régime des cadeaux d’affaires

L’entreprise n’est ni morale ni immorale ; elle est hors du champ de la morale 1, ce qui la conduit à devoir justifier d’un intérêt dans chaque cadeau réalisé, sans qu’il constitue pour autant la contrepartie d’un service ou de l’effort réalisé par celui qui le reçoit. Une contrepartie espérée en quelques sortes.
Le Conseil d’Etat a confirmé à plusieurs reprises qu’il appartenait à l’entreprise de justifier de l’intérêt recherché ; il faut bien reconnaitre que cette obligation n’est pas bien contraignante car, comme le précisait le commissaire du Gouvernement dans un arrêt de 19742, « quel commerçant, quel industriel n’a pas intérêt à entretenir de bonnes relations avec des clients fidèles, avec des clients potentiels, avec des concurrents compréhensifs, avec des fournisseurs ponctuels, avec des banquiers tolérants » ; indiquer le nom des bénéficiaires suffit généralement à justifier l’intérêt recherché par l’entreprise.
Lorsque l’intérêt de faire un cadeau est apporté, encore faut-il que son prix ne soit pas excessif. C’est à l’administration qu’il revient de contester le prix est sans rapport avec l’avantage attendu. La contestation sur ce fondement est plus délicate, car elle conduit l’administration à faire une appréciation subjective de la juste relation devant exister entre le prix d’un cadeau et la contrepartie que l’entreprise est en droit d’attendre. On précisera également que les deux notions sont intimement liées, car lorsque le cadeau est engagé dans l’intérêt direct de l’entreprise on en déduit que son prix n’est pas excessif. A l’inverse, lorsque le prix d’un cadeau semble excessif, c’est qu’il n’a pas été accordé dans l’intérêt bien compris de l’entreprise.
En définitive, la gestion fiscale des cadeaux d’entreprise est une affaire de bon sens. On offre ce que l’on pense devoir accorder pour maintenir de bonnes relations ; en évitant, bien que le Code général des impôts ne le prévoie pas expressément, les cadeaux matériels et trop personnels tels que machine à laver, téléviseur, montre de luxe, … qui s’éloignent par trop des usages dans les affaires.
Notons enfin que ces cadeaux, dès lors que leur prix excède 73 euros TTC par an et par personne (contre 69 euros jusqu’en 2020), n’ouvrent pas droit à la déduction de la TVA.

Le présent d’usage, un cadeau à usage social ou familial

Dans la vie « civile », là où la morale est de mise, les cadeaux prennent le nom en fiscalité de présents d’usage. Ce sont des cadeaux qui répondent à un usage social ou familial qui ne sont ni rapportables à la succession, ni réductibles, ni révocables pour ingratitude du donataire, ni taxables aux droits de mutation à titre gratuit. Ils supposent la réunion de deux critères : correspondre à un usage (anniversaire, mariage, noël, …) et être d’une valeur modique, notion relative appréciée au regard de la fortune du donateur.

La qualification d’un « présent d’usage » résulte des circonstances de chaque affaire, de sorte qu’aucune règle de proportionnalité entre le présent et la fortune du donateur ne peut être établie. De façon générale, il semble que le juge de Cassation estime qu’un présent dont la valeur n’excède pas 2,5 % de la fortune du donateur reste dans des proportions acceptables.

2 Concl. Cabannes, CE 18 décembre 1974, n° 93538,
1 Théorie développée par le philosophe André Comte-Sponville