Le casse-tête des retraites

Au cours de leur carrière, 90 % des indépendants connaissent des périodes de salariat et ils tiennent généralement à consolider les acquis de ces années de cotisation au régime général. Le système avantage en effet les carrières homogènes et les cotisations de longue durée. Par ailleurs, ils savent qu’en dépit des inquiétudes formulées ici ou là, le régime par répartition fondé sur la solidarité intergénérationnelle demeure le plus sûr. Qu’il s’agisse de dispositifs réglementés (Madelin) ou d’autres produits de placement, les diverses solutions de retraite individuelle ne sont pas plus transparentes et leurs perspectives de rendement ne valent pas toujours le risque encouru. Pour toutes ces raisons, les indépendants sont nombreux à souhaiter pouvoir bénéficier du régime général des salariés.
L’État, pour sa part, est confronté à un casse-tête bien connu. La prolongation de la durée de vie des pensionnés fait peser sur les travailleurs salariés un poids d’autant plus élevé que les nouvelles formes de travail contribuent par ailleurs à éroder cette base. En conséquence, les pouvoirs publics ne sont guère enclins à encourager des formes de retraite par capitalisation car cela détournerait de précieuses cotisations du régime solidaire. Au contraire, l’objectif est d’élargir autant que possible la population des cotisants, soit en allongeant la durée de cotisation, soit en glissant vers une fiscalisation du système (approche beveridgienne).

Le portage salarial, une solution entre liberté et sécurité

Pourtant, il existe une autre solution qui permet de préserver la base des cotisants en dépit de l’essor du travail indépendant : le portage salarial. Salariés de leur société de portage, les indépendants sont affiliés au régime général dont ils sont d’importants contributeurs. Abaisser le seuil d’accès au dispositif, aujourd’hui fixé à un 2 500 € de salaire brut mensuel environ, permettrait même de faire entrer des milliers de nouveaux cotisants dans le giron du régime des salariés… tout en répondant à leurs aspirations de pouvoir choisir d’une protection sociale sûre et renforcée.
En matière de retraite, le portage salarial apparaît donc comme une solution gagnant-gagnant. Aux indépendants, il permet de demeurer dans le régime général malgré les aléas de carrière puisque, du point de vue de leurs caisses de retraite, il ne s’agit que de changements d’employeur. La continuité de leurs cotisations est donc préservée, avec tous les avantages que cela induit. Quant aux organismes sociaux, il leur permet de drainer vers les caisses du régime général des cotisations nombreuses et significatives, et donc de le pérenniser. Ceci, une fois n’est pas coutume, de façon indolore.
Pour aller plus loin, le portage salarial pourrait également permettre aux retraités de profiter de leur complément d’activité pour compléter leur acquisition de trimestres et ainsi consolider leur retraite future. En l’état du droit, cette opportunité n’est pas possible. La réforme des retraites actuellement négociée, pourrait retenir cette piste. Elle permettrait la sécurisation des pensions pour les retraités n’ayant pas eu la possibilité d’avoir une carrière linéaire (en premier lieu, les femmes), le transfert de compétences intergénérationnel et au final l’intégration dans le système social d’une forme de « droit à l’erreur » en matière de parcours professionnel.