Il n’est pas possible pour les entreprises de se préparer à une pandémie comme celle de la COVID-19 qui menace pourtant leur survie. Le seul moyen de rebondir d’une telle crise est de l’apprivoiser et même d’en tirer avantage.

La présente crise n’est pas la première ni la dernière à nous terrasser

S’il y a une chose que la pandémie de la COVID-19 nous apprend, c’est qu’aucune entreprise ou gouvernement n’est vraiment en mesure de prévoir, prévenir ou planifier une réponse dédiée à de telles crises. Tout ce que l’on sait, c’est que ce n’est pas la première ni la dernière à nous terrasser. Ce faisant, il est impératif d’apprendre à les apprivoiser et même en tirer avantage pour assurer la croissance.
Ce n’est pas chose facile, car nous sommes formés à identifier les causes des problèmes, à partir desquelles se bâtissent les solutions. A priori, nous réfléchissons à la façon dont un événement imprévisible se produit, ambitionnant planifier une réponse pour la prochaine fois.
Par ailleurs, les progrès technologiques fulgurants, notamment le big data, amènent à penser qu’il est possible de tout anticiper et, surtout, de prévenir les risques. Cela explique le désarroi devant l’effondrement de l’économie provoqué par un événement fortuit comme l’éclosion de la COVID-19. Imaginez, le temps perdu dans la planification stratégique et la désorganisation face à son inutilité, alors que brusquement 80 % de l’économie s’arrête et le 20 % restant est en surcapacité.
Certains soutiennent que les pandémies de virus transmissibles sont généralement prévisibles, car elles semblent se produire toutes les décennies. Mais, la nature spécifique du virus COVID-19 et donc la capacité de prévenir avec un vaccin et des traitements ne l’est sûrement pas. Il est sans doute sain de vouloir se préparer à affronter l’inconnu. Mais, celui-ci demeure toujours obscur tant et aussi longtemps qu’il n’a pas été vécu. Il ne faut pas pour autant tomber dans l’insouciance. Il importe de réfléchir aux caractéristiques à développer au sein des entreprises afin qu’elles soient en meilleure position pour résister et se rétablir de désastre. Qu’est-ce qui fait que ses diverses fonctions sont génériquement prêtes à composer avec toutes sortes de chocs imprévisibles ?

Les chocs imprévisibles sources d’opportunités

Nous vivons dans un monde finalement très fragile. Notre système socio-économique se casse de temps à autre, mais il a la capacité de se refaire de façon encore plus robuste. Une fois un choc imprévisible encaissé, il émerge toujours des opportunités de transformation et de croissance pour les entreprises. Pour n’en citer que quelques-unes liées à la pandémie du coronavirus : la propulsion du magasinage en ligne, la consommation locale, le télétravail, l’éducation et la socialisation à distance, la livraison sans contact, le paiement numérique, la demande d’équipement de protection, de produits désinfectants et de nettoyage, etc. Il y a aussi dans l’arrêt quasi-total de l’activité économique une occasion providentielle de se réinventer, cela en bénéficiant de programmes d’aide gouvernementale.
Saisir ces opportunités est le seul moyen pour une entreprise de survive à ces crises en se réinventant. Pour ce faire, elle doit revoir sa chaîne d’approvisionnement, réévaluer ses modes de production, accélérer sa transformation numérique et modifier ses structures pour les rendre plus flexibles. La réussite de ces transformations repose sur l’agilité et la résilience qu’elle a su développer en amont.

L’agilité

Une entreprise agile s’adapte facilement et rapidement aux changements survenant dans son environnement. Cela passe indubitablement par une remise en question constante des acquis qui nécessite une relation de confiance profonde au sein des équipes de travail.
Plus important encore, l’entreprise agile ne vise pas uniquement à adapter ses façons de faire, mais à changer sa façon d’être, à penser différemment. L’humain est donc au centre de toutes ses stratégies de croissance. N’y ont pas leur place, la parcellisation taylorienne du travail et le fonctionnement en silo.
L’agilité s’opérationnalise par la conjonction de trois axes d’intervention : la mobilisation des ressources humaines et des équipes, l’usage intensif des nouvelles technologies et une remise en question continue des processus. Son principal bénéfice est d’avoir toujours des produits et services parfaitement adaptés au marché, en anticipant même ses évolutions. Aussi, ce potentiel de créativité et d’innovation devient une espèce de « ressort invisible » pour tirer avantage des opportunités émanant de toute crise et ainsi s’en sortir amélioré.

La résilience

L’entreprise résiliente peut encaisser et se remettre rapidement d’un bouleversement, quelles qu’en soient l’ampleur et la source. Cependant, cette capacité de rebondir implique rarement de revenir à l’état initial, mais plutôt de se transformer en traçant une nouvelle voie.
La résilience se concrétise en trois phases. Premièrement, le choc est encaissé, sans s’effondrer. C’est un défi cognitif, car il s’agit d’analyser, interpréter et donner un sens aux événements inédits. Deuxièmement émerge la nécessité de se renouveler pour arriver à absorber cette catastrophe. Cela repose sur la proactivité dans la recherche d’opportunités reliées à la crise, de même que l’ingéniosité et la créativité, surtout chez les dirigeants et le management, pour les saisir. C’est une question stratégique, car il faut imaginer de nouvelles options afin d’inventer un futur prometteur. Mais, c’est aussi un problème politique puisque les ressources doivent être réallouées pour supporter les nouvelles activités. Troisièmement apparaît la nécessité de capitaliser à moyen et long terme en s’appropriant la démarche, c’est-à-dire modifier les façons d’être. Cela fait appel à l’idéologie afin d’implanter une culture d’auto-apprentissage permettant d’identifier ses faiblesses et les corriger, de même que requestionner les pratiques et routines pour les maintenir continuellement adaptées. Plus encore, insuffler une attitude proactive axée sur la recherche continue de nouvelles opportunités pour mieux s’armer face à l’avenir.
La résilience repose donc en grande partie sur la loyauté, la compétence et, surtout, la solidarité du personnel. En effet, elle est le fruit de liens, de capacité à travailler ensemble, de collaboration, d’intelligence collective, d’entraide et de complicité. C’est la cohésion entre les personnes et les équipes qui fait que de nouvelles synergies et manières de fonctionner émergent du chaos.
Par conséquent, les leaders et les organisations qui font les bonnes choses pour leurs employés non seulement se hissent au sommet, mais y reviennent rapidement après une crise. Pour eux, la priorité n’est pas tellement de « prévoir l’imprévisible », mais de bâtir une équipe et avoir confiance qu’elle saura y faire face. Leur rôle central est de proposer une vision partagée qui permette à chacun de trouver sa place dans la récupération de la catastrophe.

Modèle pour rebondir après toute crise

La probabilité qu’un événement imprévu précis arrive est quasiment nulle. En revanche, celle qu’un quelconque se produise est de 100 %. Il importe donc que les entreprises développent leurs capacités d’adaptation, à l’image du surfeur qui maîtrise son geste, glisse en profitant de la force de la vague, sans pour autant ne jamais essayer de la contrôler. Tout est affaire d’agilité et de résilience qui, comme illustrées dans le graphique, s’appuient sur quatre piliers : le leadership, le personnel, la culture et l’ancrage.
Le leadership se doit d’être partagé et les leaders eux-mêmes résilients. Ces derniers conçoivent les difficultés comme des défis et les revers comme des occasions d’apprentissage. Ce sont des décideurs rassurants, toujours prêts à changer et prendre des risques. Ces meneurs tolèrent les erreurs, accueillent les différences, les idées nouvelles et valorisent le feedback. Une telle ouverture est aussi promue auprès des membres de leur équipe. De plus, les talents qu’ils dirigent participent à la prise de décision. C’est ainsi qu’émergent les liens de confiance, de réciprocité et de respect incitant la mise en commun du savoir, du savoir-faire et de la créativité. Est alors acquise, la capacité à s’améliorer et se réinventer.
Le personnel s’identifie à l’entreprise et s’investit. Sa participation à circonscrire la vision et les missions fait que chacun se déniche une zone adaptée d’interaction et de complémentarité. De même, l’individuelle mobilisation des compétences, expériences et la valorisation des contributions sont omniprésentes. La latitude décisionnelle favorise la capacité d’improvisation et d’adaptation de chacun. L’innovation, l’éthique et le travail collaboratif sont favorisés. Tous sont encouragés à donner leurs avis, proposer des solutions et résoudre les problèmes.
La culture repose sur des valeurs liées à la confiance, la transparence, l’autonomie, la collaboration, le partage et la prise d’initiatives. L’innovation y occupe une place centrale, se concrétisant par une préoccupation constante d’améliorer les pratiques. Cela repose sur la promotion de l’apprentissage et de l’expérimentation, du professionnalisme et du travail bien fait. Elle privilégie l’intérêt collectif, la décentralisation et le réseautage aux performances individuelles, à la bureaucratie et au fonctionnement en silo. Également, elle incite chaque talent à développer sa responsabilisation et sa résilience.
L’ancrage est le réseau institutionnel de coopération, les partenariats, développé par l’entreprise. C’est un atout essentiel pour nourrir une organisation apprenante. Tout aussi importante, sa mobilisation décuple ses efforts pour rebondir d’un coup dur. Ce modèle fait ressortir que ce n’est pas tout, comme le font bon nombre d’entreprises, de prôner un ensemble de valeurs pour se targuer d’avoir le souci des employés et des autres parties prenantes. Dans les faits, seules celles qui sont prêtes à sacrifier leur rentabilité à court terme pour le respect de ces principes peuvent développer l’agilité et la résilience nécessaires pour rebondir après toute crise.