L’absence de textes condamne un DAF lanceur d’alerte

Pour la première fois, dans un récent Arrêt rendu le 30 juin 2016, la Cour de Cassation a considéré que les lanceurs d’alerte de « bonne foi » exercent une liberté publique celle de la liberté d’expression. A ce titre, ces derniers doivent être protégés par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Article 10).
En l’espèce, dans cette affaire, une Association guadeloupéenne, gérant avec des fonds publics une activité de centre de santé et de structure sanitaire, recrute un Directeur Administratif et Financier en 2009. Ce dernier a été licencié le 29 mars 2011 pour faute lourde après avoir dénoncé au Procureur de la République le paiement de rémunération et la conclusion d’un contrat de travail au bénéfice du Directeur du centre de santé. Le Directeur du centre de santé cumulait sa fonction de salarié avec celle de membre du Conseil d’Administration et les décisions prises semblaient tout à fait discutables. Le salarié a saisi la Juridiction prud’homale en nullité de son licenciement et en paiement de diverses sommes à titre d’indemnités et de rappels de salaire. La Cour d’Appel avait considéré que le licenciement était, certes, abusif puisque les faits dénoncés pouvaient être qualifiés de détournement de fonds publics ou d’escroquerie mais qu’il ne pouvait pas être nul, en l’absence de textes.

La Cour de cassation protège le lanceur d’alerte de bonne foi

La Haute-Cour n’est pas du même avis puisqu’elle considère que lorsque des lanceurs d’alerte  signalent de « bonne foi » au Procureur de la République des faits « pouvant être  qualifiés de délictueux » et « constatés sur le lieu de travail » alors toute mesure (licenciement par exemple) prise à l’encontre d’un salarié « lanceur d’alerte » est nulle. Cette dernière va plus loin en indiquant, dans sa note explicative, qu’une telle protection est, également, accordée lorsque la dénonciation s’adresse à des tiers, tels que les médias ou via les réseaux sociaux par exemple.
Cour de Cassation, Chambre sociale, 30 juin 2016, n°15-10.557

Le Conseil de l’Europe en 2014 définit le lanceur d’alerte ainsi : «  Toute personne qui fait des signalements ou révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général dans le contexte de sa relation de travail,  qu’elle soit  dans le secteur public ou le secteur privé. »
La loi française offre une définition partielle, limitée à la santé publique et à l’environnement (loi du 16 avril 2013 dite loi Blandin, art. 1er) : « Toute personne  physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi un fait, une donnée ou une action dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît faire  un risque grave sur la santé publique ou sur l’environnement. »