Sociétés à mission : ces entreprises à impact positif capitalisent sur la confiance

Aujourd’hui, la France compte quelque 2161 sociétés à mission : ces entreprises privées ont pour objectif de contribuer positivement à la société et à l’environnement. Des fonds d’investissement comme Meridiam à l’industrie textile avec Le Slip français, ces acteurs de la vie économique veulent avoir un impact positif sur la société. Et ils s’en donnent les moyens. 

On les retrouve dans tous les secteurs d’activité : immobilier, agriculture, communication, cosmétique, habillement, traitement des déchets, santé, transports, informatique, infrastructures ou encore finance… Toute l’économie française est concernée par ces entreprises conjuguant initiative privée et intérêt public. Selon l’Observatoire des sociétés à mission (OSM) créé en 2022, elles sont ainsi plus de 2000 à œuvrer au respect d’engagements sociaux et environnementaux, s’engageant par là même à subir des contrôles effectués par un organisme indépendant tous les deux ans, afin de vérifier si les sociétés respectent ou non les objectifs qu’elles se sont fixées. Car ce statut – relativement récent puisqu’il remonte à la loi Pacte du 22 mai 2019 – repose sur deux impératifs évidents : la confiance et la transparence.

N’importe quel business peut être concerné 

Le respect des critères ESG (environnement, sociétal et gouvernance) est déjà au cœur de la politique de nombreuses entreprises françaises depuis le début des années 2000. S’inscrire officiellement en tant que « société à mission » s’est donc fait naturellement pour elles, assurant ainsi plus de cohérence et d’efficacité à leur action. « Depuis 2005, Meridiam a mis l’ESG au cœur de ses processus d’investissement, de manière très opérationnelle et concrète, explique Thierry Déau cofondateur de la société de gestion en infrastructures Meridiam. Inscrire dans nos statuts que nous sommes une entreprise à mission permet d’aller un cran plus loin. Cela renforce l’alignement avec nos LPs (limited partners), à travers la promesse que nous leur faisons de délivrer un rendement financier et un impact extra-financier et la façon dont la société de gestion opère. Ma conviction est qu’il est possible d’avoir de l’impact à travers n’importe quel business. Notre objectif, c’est de contribuer à l’évolution des modèles économiques avec une trajectoire volontariste sur le front social et environnemental. »

N’importe quel business, vraiment ? C’est vrai

Il suffit pour s’en convaincre de survoler la liste des entreprises répertoriées par l’OSM, tous les domaines d’activité peuvent être dans les clous, même les plus surprenants : services paysagers (Apis Florae), vente de biens culturels d’occasion en ligne (Ammareal), fabrication d’articles pour école et loisirs créatifs (Maped), bureaux d’étude en énergies renouvelables (Ecovitalis), conception d’équipements médicaux (Celeos), laboratoire dermo-cosmétique (Expanscience), commercialisation de procédés de séquestration de carbone (Miraïa) ou encore produits textiles 100% fabriqués en France (Le Slip français). Toutes les entreprises peuvent s’inscrire, pourvu qu’elles respectent les prérequis ESG et qu’elles tiennent leurs engagements. Leur objectif nº1 : capitaliser sur la confiance qu’elles inspirent.

Des arguments à faire valoir 

Pour créer ce climat de confiance, les entreprises peuvent user de différents arguments : circuits courts, empreinte carbone faible ou encore production « 100% made in France ». C’est ce choix qu’a fait l’équipe du Slip français en lançant cette marque en 2012 et en l’inscrivant comme « société à mission » en 2020. Le « made in France » conjugue en effet plusieurs vertus : la relocalisation de l’industrie textile présente à la fois un intérêt économique et social grâce à la création d’emplois et aux programmes d’insertion, tandis que les circuits courts permettent de rejeter moins de CO2. « Le ‘made in France’ pour moi, c’est une question de bon sens, avance Guillaume Gibault, cofondateur du Slip français. C’est plus d’emplois et moins de CO2. Le Slip Français est une entreprise à mission : c’est 300 emplois et 20 millions de chiffre d’affaires. Dans l’Hexagone, nous sommes très fiers de nos savoir-faire artisanaux, mais il faut aussi l’être de nos capacités industrielles. Il faut le bon produit, le bon prix et la bonne distribution pour convaincre les consommateurs. Lorsqu’on parviendra à baisser le prix de nos slips à 15 euros, nous aurons fait le job. » Dans son aventure entrepreneuriale, Le Slip français cumule ainsi plusieurs caractéristiques des sociétés à mission : circuit court, emploi local, savoir-faire industriel et même recyclage.

De manière générale, le recyclage et les circuits courts en tant que pratiques industrielles sont en effet au cœur de l’activité de nombreuses sociétés à mission. Dans le domaine de la construction par exemple, l’entreprise francilienne Ecominéro dispose de 4000 points de reprise de déchets minéraux, partout en France. Créée en 2022, cette société a pour vocation d’aider les fabricants de matériaux de construction d’origine minérale à satisfaire à leurs obligations de gestion des déchets inertes. « La raison centrale de notre entreprise à mission, c’est de soutenir les producteurs, les distributeurs et les importateurs de matériaux de construction minéraux dans leurs nouvelles obligations en lien avec la responsabilité élargie du producteur (REP), détaille Michel André, président d’Ecominéro. Notre priorité est de permettre à tout détenteur de déchets inertes de disposer d’une solution de proximité et de valorisation et d’en garantir la traçabilité ; depuis les chantiers dont ils sont issus jusqu’à l’utilisation des matériaux de seconde vie. » Derrière la vocation opérationnelle d’une telle entreprise dans l’écosystème du BTP se cache donc une volonté : limiter l’impact environnemental des activités humaines.

Même le monde de la finance est concerné 

Dans ce panorama de sociétés à mission, celles évoluant dans le monde de l’investissement tiennent une place à part. D’abord parce qu’elles doivent se battre contre les préjugés habituels liés au monde de la finance, ensuite parce que ce sont elles qui, très souvent, initient des projets que personne d’autres n’aurait pu porter, et attirent ainsi des investisseurs désireux de s’inscrire pleinement dans une démarche économique vertueuse. « Nous avons démontré, depuis près de deux décennies, notre capacité à générer des performances financières et extra-financières, poursuit Thierry Déau chez Meridiam. En prenant des engagements plus forts aujourd’hui, cela ne viendra que renforcer cette dynamique. Et puis, la réalité, c’est que tous les LPs, quelle que soit leur origine ou leur typologie, subissent la pression des gouvernements, des régulateurs, du corps social même, pour infléchir leur stratégie, notamment sur le front du changement climatique – mais pas que ! »
Tous sont sur la même longueur d’ondes : chez Citizen Capital aussi, la conviction que les entreprises doivent jouer un rôle dans le changement de société est au cœur de la stratégie : « En 2020, nous sommes devenus une société à mission, ce qui nous pousse à explorer des voies de financement nouvelles, avec des modèles de fonds répondant à des besoins mal servis par le marché traditionnel, explique Laurence Méhaignerie, cofondatrice de ce fonds d’investissement. Nous pensons que l’économie doit être plus clairement au service de la société. » Ce même leitmotiv est désormais largement partagé.

En cela, les fonds d’investissements comme Meridiam, Citizen Capital ou Angelor, les banques comme le Crédit Mutuel et le Crédit Agricole, les sociétés de gestion comme Atlas Responsible Investors peuvent – ou doivent – être les premiers acteurs du changement sociétal auquel aspirent toutes les sociétés à mission. Car quoi qu’il arrive, le nerf de la guerre reste la capacité à mobiliser les ressources financières pour faire une vraie différence dans un monde qui aspire lui aussi au changement.