La fonction achats vitale – Quand crises et réglementations rendent la fonction achats vitale pour les entreprises
Par Emmanuel Poidevin, fondateur et Directeur général d’Aprovall
Traditionnellement cantonnée à un rôle opérationnel centré sur la maîtrise des coûts et le sourcing, la fonction achats est aujourd’hui en pleine transformation. Face à un contexte mondial marqué par une prolifération des normes et réglementations, ainsi que par une multiplication des crises économiques, géopolitiques, sanitaires, ou encore logistiques. Les directions achats deviennent des acteurs clés de la stratégie d’entreprise. Elles passent d’un rôle purement « cost cutter » à un rôle stratégique, au cœur de la résilience et de la performance globale.
Des responsabilités élargies dans un contexte réglementaire en constante évolution
Les acheteurs ne se contentent plus de négocier les meilleures conditions commerciales. Ils doivent désormais intégrer des enjeux complexes liés aux nouvelles réglementations et aux attentes sociétales. Par exemple, la collecte et la gestion des données Scope 3 imposent aux achats de mesurer et réduire l’empreinte carbone indirecte liée à leurs fournisseurs, un levier central pour la transition écologique.
Mais ce n’est pas tout : les équipes achats doivent aussi assurer la conformité éthique et réglementaire des fournisseurs, gérer les risques cyber exposés par la chaîne d’approvisionnement, et se prémunir contre des risques financiers majeurs comme la fraude aux faux fournisseurs. Ces injonctions, parfois contradictoires, complexifient la mission des acheteurs qui doivent répondre à ces exigences souvent avec des ressources limitées.
En première ligne face à des crises multiples et inédites
Nous vivons une époque « multi-crises » où les perturbations peuvent surgir de nombreux fronts et de surcroît, simultanément : conflits géopolitiques, tensions sur les routes logistiques, pandémies, ou encore hausse des droits de douane. Ces événements ont un impact direct sur la continuité des approvisionnements et la sécurité des relations fournisseurs.
Prenons l’exemple d’un fournisseur implanté dans une zone de conflit : si son site de production est bombardé, la supply chain de l’entreprise est immédiatement en danger. Autre illustration : la pandémie de Covid-19 a été un véritable test de résistance pour les fonctions achats, révélant la nécessité d’une agilité et d’une anticipation sans précédent.
Par ailleurs, les sanctions administratives se durcissent. En France, un contrôle de l’Agence française anticorruption peut entraîner des amendes pouvant atteindre 4 % du chiffre d’affaires, voire des interdictions de marchés publics. Ces risques majeurs renforcent de facto le rôle stratégique des achats dans la gouvernance de l’entreprise.
L’outillage numérique, levier indispensable de cette montée en puissance
Face à ce contexte évolutif, comment les directions achats peuvent-elles seulement relever le défi ? Elles doivent, notamment, s’appuyer sur des outils performants pour automatiser et sécuriser leurs processus. Les solutions de gestion des risques tiers (TPRM – Third Party Risk Management) permettent d’intégrer dans un même cycle d’achat l’ensemble des exigences : sourcing, onboarding, évaluation continue et offboarding.
Grâce à l’automatisation et à l’intelligence artificielle, ces solutions facilitent le suivi en temps réel des fournisseurs, déclenchant des alertes immédiates en cas d’incident (catastrophe naturelle, changement réglementaire, fraude détectée…). Cette évaluation dynamique remplace les cycles rigides d’évaluation trimestriels ou annuels, aujourd’hui inadaptés à la volatilité du monde.
Cette visibilité continue permet ainsi aux équipes achats de réagir rapidement : activer des fournisseurs alternatifs, renforcer la résilience de leurs partenaires clés, ou encore collaborer plus efficacement avec les autres départements (finance, compliance, cybersécurité, RSE). Le risque devient alors une gestion collective, intégrée et agile.
Un rôle accru au sein des comités de direction
Ces évolutions stratégiques transforment le rôle de la direction achats, qui gagne en importance dans la prise de décisions au plus haut niveau. Lors des crises, les achats sont sollicités pour protéger le cash, optimiser les coûts, mais aussi pour sécuriser la chaîne d’approvisionnement et assurer la conformité réglementaire.
Ce positionnement stratégique permet ainsi de mieux anticiper les crises futures et de bâtir une entreprise plus résiliente. Dans un monde où les événements se multiplient et s’intensifient, les directions achats ne sont donc plus un simple rouage opérationnel, mais un levier central de la pérennité et de la performance des entreprises.