Pas de maladie pendant les congés… sinon, ils sont reportés !

En cas d’arrêt maladie au cours d’une période de congés payés, le salarié bénéficie désormais d’un droit à un report de ces jours de repos
Comment articuler les congés payés avec les arrêts de travail pour maladie ?
Depuis 1996, la Cour de cassation faisait prévaloir le critère chronologique : les conséquences de l’arrêt de travail pour maladie n’étaient pas les mêmes selon que cet arrêt commençait avant ou après le début de la période de congés payés.
Ainsi, jusqu’à présent, si l’arrêt maladie débutait avant le début des congés payés, la maladie constituait le motif de la suspension du contrat et les congés payés étaient reportés. En revanche, si l’arrêt maladie débutait au cours de la période de congés payés, ces derniers n’étaient pas reportés.

De longue date, cette solution était toutefois sur la sellette

Le droit de l’Union Européenne est clair : tout salarié doit bénéficier d’un congé annuel payé d’une durée d’au moins quatre semaines. Ce congé constitue un principe du droit social de l’Union auquel il ne saurait être dérogé.
La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) attribue expressément aux périodes de congés payés un objectif de repos, de détente et de loisir. Ce droit à congé ne correspond donc pas simplement à une période de suspension du contrat de travail – mais à une véritable période de détente et de loisir pour le travailleur.
En ce sens, il ne saurait être « remplacé » par un arrêt de travail pour maladie. Pour la CJUE, si le salarié est malade durant ses congés, il n’a pas été en mesure de bénéficier d’un repos effectif. Les jours de congés durant lesquels il a été malade doivent donc être reportés.
Les jours de la jurisprudence de la Cour de cassation étaient donc comptés et son évolution attendue. En septembre 2023, la Cour avait déjà écarté le droit national contraire au droit de l’UE, en permettant l’acquisition de droits à congés payés durant les absences pour maladie non professionnelle.
En février 2025, le ministère du travail recommandait aux employeurs de tenir compte de la jurisprudence européenne et de permettre à leurs salariés malades de reporter leurs congés.
Le 18 juin dernier, la Commission Européenne adressait un dernier coup de semonce à la France, en lui adressant une mise en demeure d’adapter sa législation afin de la mettre en conformité avec le droit de l’Union.
C’est désormais chose faite.

Le droit français désormais conforme au droit de l’Union Européenne

De nombreux juges du fond appliquaient d’ores et déjà la jurisprudence européenne. L’arrêt du 10 septembre 2025 permet à la Cour de cassation de faire de même (Cour de cassation, chambre sociale, 10 septembre 2025, n° 23-22.732).
Le principe est désormais clair : en cas d’arrêt de travail pour maladie prenant effet alors que des congés payés sont en cours, ces congés sont reportés et le motif de l’absence est modifié ; le contrat de travail sera suspendu du fait de cet arrêt, et non plus du fait des congés payés.
Par exemple : un salarié pose trois semaines de congés au cours de l’été. Il tombe malade au bout d’une semaine, et son médecin l’arrête pour une durée de deux semaines. Dans ce cas, les congés sont suspendus à compter du début de l’arrêt de travail, et les deux semaines de congés restantes sont re-crédités au compteur du salarié, qui pourra les reposer plus tard.
Seules conditions pour bénéficier de ce report : le salarié devra naturellement disposer d’un arrêt de travail prescrit par un médecin, et devra le transmettre à son employeur. Il ne suffit donc pas que le salarié se prévale d’une maladie, sans pour autant consulter un médecin ni le justifier auprès de son employeur.

Le report n’est possible que pour la maladie survenant durant les congés annuels payés

Les termes de l’arrêt de la Cour de cassation sont formulés en des termes généraux : le salarié en arrêt de travail pour maladie survenu durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie.
La portée de cette référence au « congé annuel payé » devra être précisée ultérieurement soit par le législateur, soit par la jurisprudence.
Cet arrêt ne semble pas accorder de droit au report en cas de maladie survenant durant des périodes de repos qui ne seraient pas des congés payés (par exemple : RTT, jours de repos d’un salarié au forfait annuel en jours, etc.).

Le caractère général de la formulation utilisée pourrait en revanche inclure toute période de congés payés (c’est-à-dire toute période de « vacances »). Seraient donc concernés non seulement les congés payés légaux (les cinq semaines prévues par la loi), mais également les congés payés complémentaires prévus par exemple dans des accords d’entreprise ou de branche). Le bienfondé d’une telle interprétation serait toutefois contestable au regard des droits résultant du droit de l’UE.

Une intervention future du législateur pour limiter le nombre de jours pouvant être reportés ?

Le droit de l’Union Européenne garantit aux salariés le bénéfice d’au moins quatre semaines de congés payés chaque année.
Le législateur pourrait donc intervenir pour limiter le droit au report des congés en cas de maladie uniquement aux quatre premières semaines de congés.
C’est d’ailleurs le choix qui avait été fait en 2024, lorsque le législateur (toujours sous l’impulsion du droit européen) a permis aux salariés absents pour maladie non professionnelle d’acquérir des droits à congés payés. Si le principe de cette acquisition a été acquis, le nombre de jours maximal pouvant être acquis a été limité à 24 jours ouvrables, soit quatre semaines.
Pas de maladie pendant les congés… sinon/Pas de maladie pendant les congés… sinon

Tribune co-écrite par Sarah-Jane Mirou, Avocat Associée
Avocate au Barreau de Paris (2005), Sarah-Jane est associée LWA Social depuis 2013. Sarah-Jane Mirou prend en charge l’ensemble des problématiques de droit social (relations individuelles et collectives du travail) tant en conseil qu’en contentieux. Sarah-Jane a développé une expertise particulière en matière de restructurations d’entreprise, y compris dans le cadre de procédures de redressement et/ou de liquidation judiciaires, en matière de durée du travail et en matière de négociation collective.

et Simon Mattern, Avocat Counsel Avocat au Barreau de Paris
Avocat au Barreau de Paris depuis 2017, Simon a rejoint LWA Social la même année et est Counsel LWA Social depuis 2023. Il accompagne des personnes privées et publiques dans e leurs problématiques de droit social, en conseil et contentieux. Intervenant dans l’ensemble des branches du droit social, il manifeste une appétence particulière pour les sujets touchant à la protection sociale d’entreprise.