Communication de crise : tenir le cap dans un contexte sous tension permanente
Dans un monde où chaque incident, chaque faille, chaque maladresse se transforme en polémique instantanée et en bad buzz, la communication de crise n’est plus un simple volet de la stratégie globale : elle en est le cœur battant. Les organisations, publiques comme privées, évoluent désormais dans un climat où la moindre vibration informationnelle peut devenir onde de choc. Le contexte actuel, marqué par des crispations sociales, un environnement géopolitique instable et une défiance généralisée, impose une vigilance de tous les instants.
La crise n’est plus un événement : c’est un environnement
Pendant longtemps, la crise était perçue comme un moment exceptionnel, une rupture ponctuelle. Aujourd’hui, elle constitue plutôt un écosystème permanent, alimenté par l’immédiateté numérique et un espace médiatique sursaturé. Les entreprises doivent donc cesser d’aborder la crise comme un accident ; elles doivent la considérer comme une donnée structurelle.
En tant que réserviste opérationnel au sein de l’institution militaire, j’observe une convergence frappante entre les exigences du terrain opérationnel et celles de la communication :
- anticiper l’imprévisible,
- réagir avant même d’avoir toutes les informations,
- maintenir la maîtrise émotionnelle,
- préserver la cohésion,
- donner du sens dans l’urgence.
Ces principes valent tout autant dans un poste de commandement * que dans une salle de crise en entreprise. Dans l’univers militaire, on a clairement défini le verbe en tant qu’arme non cinétique.
La vérité opérationnelle face à la vérité émotionnelle
Un acteur en crise se retrouve systématiquement confronté à une double réalité :
- La vérité des faits, souvent complexe, évolutive et parfois incertaine; notamment dans le cadre des CRI militaires ou civils (Compte-Rendus Immédiats : manque de précision, biais cognitif, tentative d’influence de la part de celui qui est à l’origine de la crise, etc .)
- La vérité perçue, modelée en quelques minutes sur les réseaux sociaux.
La communication de crise moderne doit composer avec cette dissociation. Chercher à imposer la vérité factuelle sans comprendre la dynamique émotionnelle est voué à l’échec. L’enjeu n’est pas d’opposer les deux, mais de les réconcilier à travers une parole incarnée, constante et crédible.
La parole responsable : une ressource stratégique
Dans un contexte tendu, la première tentation des organisations est souvent le silence, par peur, par manque d’informations ou sous pression juridique. C’est une erreur.
La parole responsable, même partielle, même prudente, est un acte stratégique. Dire ce que l’on sait, reconnaître ce que l’on ignore encore, expliquer ce que l’on met en œuvre : voilà le triptyque indispensable à la restauration de la confiance. Souvenez-vous que si ce n’est pas vous qui prenez la parole rapidement, alors quelqu’un d’autre le fera et rarement en votre faveur (un concurrent, un média, un témoin, un analyste, etc.)
En bref, en communication de crise, l’absence de message est toujours un message. Et rarement le bon. Laissez tomber le “no comment”. Ou gardez-le pour vos séries NETFLIX.
De l’importance de l’entraînement
Les structures qui traversent le mieux les crises sont celles qui s’y sont préparées.
Les armées le savent : une réaction juste s’acquiert dans la répétition. Le fameux “drill” permet de s’exercer sans cesse pour que le stress, le jour où survient le problème, ne soit pas une barrière ou un frein à l’élaboration du bon geste ou du bon message à véhiculer.
Les entreprises doivent en faire autant :
- exercices de simulation,
- scénarios contradictoires,
- entraînement des porte-parole,
- cartographie des risques informationnels,
- mapping des acteurs en présence, amis et adversaires,
- mise en place de cellules de veille renforcée : média, réseaux sociaux, plate-formes métier, …)
Une crise ne s’improvise pas; sa gestion non plus.
Conclusion : garder le sens du collectif
La communication de crise n’est pas un exercice de prestige : c’est un devoir de protection. Protection des collaborateurs, des clients, des citoyens, de la réputation et, plus largement, du contrat social que nourrit toute organisation.
Dans une période où les tensions s’amplifient et où l’opinion publique se fracture, la seule boussole valable reste la même : la sincérité, la responsabilité et le courage de dire.
C’est en s’appuyant sur ces valeurs que l’on traverse les crises et que l’on en sort renforcé.






































