200 000 cadres sans emploi

Beaucoup plus épargné par la crise que les autres, le cadre chômeur type a une quarantaine d’années, plus de 10 ans d’expérience,  un niveau d’études égal ou supérieur à Bac + 2, plutôt citadin, il habite en région parisienne, dans le Nord ou le Sud-Est de la France. Sa rémunération quand il est en poste oscille entre 2 000 € et 45 000 € nets par mois. En 2014, trouver un poste de cadres est plus aisé que de décrocher un emploi de technicien. Pourtant, plus de 200 000 cadres sont au chômage en France. La rémunération d’un cadre chômeur peut  atteindre à 5 800 €, ce qui suscite jalousie ou critique. Certes il s’agit d’un revenu conséquent, bien supérieur au salaire moyen des Français, mais il correspond au système en place et des cotisations chômage versé par lui et son employeur. Certains résignés choisissent de rester chômeur, et ne cherchent plus vraiment. D’autres, malgré un acharnement méthodique et une volonté d’acier, se retrouvent régulièrement sans emploi. L’époque a changé, le cadre se nomadise et alterne job et chômage. Certes, sur 200 000, il doit y avoir quelques tricheurs. Mais pour la majorité, plutôt que de fraudes,  mieux vaudrait parler d’un manque d’incitation et de visibilité de l’avenir pour les cadres comme pour toute la population. Pourquoi aller se mettre dans la précarité d’une période d’essai dans une entreprise qui peine à remplir son carnet de commandes,  à la merci d’un conjoncture délicate et d’une mauvaise trésorerie, dans un contexte politique mou et sans vision.

Pôle emploi n’est pas Interpol Emploi

Les agents de Pôle Emploi traquent sans arrêt le cadre fraudeur, qui ne recherche pas un poste, mais lutter contre le fraudeur est difficile, car prouver qu’il ne se donne pas tous les moyens pour trouver un nouvel emploi est la plupart du temps une mission impossible. Le moindre doute peut entraîner l’intervention d’un auditeur qui vérifie par des enquêtes plus poussées, pour s’assurer des démarches entreprises  pour retrouver un travail, documents justificatifs à l’appui (copies des candidatures, lettres de refus d’entreprises…). Les cas simples sont rares : le cadre ne fait rien pour décrocher un emploi, aucun entretien d’embauche, à plus forte raison dans un métier porteur, même à des entretiens initiés par Pôle Emploi avec des entreprises. La mauvaise volonté est patente. Un contrôleur ne peut faire de contrôles surprise à son domicile, mais il peut le convoquer pour vérifier les justificatifs de sa recherche. Ses éléments doivent être jugés probants, sinon une radiation de quinze jours peut être prononcée. Pour aller plus loin, il faut recourir à l’inspection du travail, ce qui est rarement le cas. Pôle emploi renforce ses outils informatiques avec le but de repérer le profil du chômeur le plus à même de frauder. Néanmoins, il est difficile de discerner, dans les actions d’un cadre, ce qui tient du comportement pour donner à son conseiller des éléments pour le rassurer de sa bonne volonté, ce qui est une forme de fraude, de ce qui relève de véritables démarches infructueuses. Les indemnités du cadre sont de nature à l’inciter à se mettre en règle et à donner le change.
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S’occuper de l’emploi
plus que du chômage

Le cadre demandeur d’emploi doit rechercher activement un emploi selon l’article L.5421-3 du Code du Travail. A cette fin il doit accomplir des démarches  sur proposition des organismes du service public de l’emploi (services de l’Etat chargés de l’emploi, Pôle emploi, APEC…). Il doit aussi prendre des initiatives, sérieuses et régulières, pour trouver un emploi, créer ou reprendre une entreprise. Il doit en outre répondre aux propositions ou convocations du Pôle emploi et de suivre des actions de formation ou d’aide à la recherche d’emploi qui lui sont proposées. Tout cadre demandeur d’emploi doit, sauf raison légitime, donner suite à une offre d’emploi compatible avec sa possibilité de mobilité géographique, sa situation personnelle et familiale et des aides à la mobilité, si cette offre est conforme à son projet personnalisé d’accès à l’emploi. Autant d’éléments difficiles à apprécier de manière objective.  Il se doit d’informer Pôle emploi, dans un délai de 72 heures, de tout changement intervenu dans sa situation (reprise d’un travail, départ en formation, arrêt maladie…). En fin de compte, le ministre du Travail, en annonçant  des contrôles plus stricts pour mettre de l’ordre, a déclenché un tollé de protestations. “Impuissant à s‘attaquer au chômage, il s’en prend maintenant aux chômeurs”. Dans son propre camp, on regrette de tels propos. Chacun le sait, les abus recensés sont à la marge, et leur suppression ne changerait pas pour autant l’épidémie du chômage. La CFDT est scandalisée par les propos du ministre du Travail qui selon elle stigmatise les chômeurs. Force ouvrière, «abasourdi». Sur Twitter Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EE-LV, s’étonne du décalage entre les propos du ministre et la réalité de la vie d’un chômeur. « Il faudrait contrôler l’activité réelle de Monsieur Rebsamen  recruté en avril dernier pour s’occuper de l’emploi», s’insurge le PCF. C’est certain, il y a des fraudeurs du chômage, comme il y en a en fiscalité, dans les prestations sociales, en matière d’arrêts maladie, de cures thermales… Mais aujourd’hui alors que la France a un taux zéro de croissance, pas besoin d’être ministre pour comprendre qu’il est difficile de trouver un job,  et encore plus compliqué à une institution comme Pôle Emploi de fournir des emplois qui n’existent pas.