Green Skills : un concept encore flou, mais un enjeu majeur
La transition écologique ne s’improvise pas : elle se construit sur le terrain. Si la conscience du sujet progresse dans les entreprises comme dans la société, la capacité réelle à transformer les pratiques demeure limitée. Les ambitions sont affichées, les étudiants arrivent sur le marché du travail mieux sensibilisés, mais entre l’intention et l’action, le fossé reste profond.
« Compétences vertes » : une promesse qui reste à incarner
Les Green Skills ou « compétences vertes » se sont imposées dans le débat public, sans toujours être clairement définies. Pour l’OCDE, elles désignent les compétences nécessaires pour soutenir une économie durable, réduire l’impact environnemental des activités et s’adapter aux transitions liées au climat. La Commission européenne, avec son référentiel « GreenComp », a tenté de baliser le sujet en identifiant quatre dimensions : incarner des valeurs de durabilité, comprendre la complexité systémique, envisager l’avenir et agir pour le changement, ainsi que s’engager collectivement.
Les Green Skills ne relèvent pas uniquement de la maîtrise de nouvelles technologies, mais aussi d’aptitudes à penser en système, à relier son métier aux enjeux de long terme et à collaborer différemment. Dans de nombreux projets de transformation, on constate que c’est cette capacité à penser ensemble — au-delà des silos métiers — qui fait défaut.C’est précisément ce qui rend le concept séduisant mais aussi fragile : si tout peut être qualifié de Green Skill, la notion risque de perdre de sa substance et de se réduire à un mot-valise sans traduction opérationnelle.
Une transition sous tension face à l’explosion des besoins
En Europe, la demande en « compétences vertes » a progressé de 11,6 % entre 2023 et 2024, alors que l’offre ne croissait que de 5,6 %1. À l’échelle mondiale, le nombre de postes exigeant des Green Skills pourrait passer de 67 millions aujourd’hui à 241 millions en 20302.
En France, le Haut Conseil pour le Climat alerte : sans montée en compétences massive, les objectifs de transition énergétique et de neutralité carbone resteront hors de portée. La formation n’est donc plus une option, mais un levier stratégique pour rester compétitif.
Les grandes écoles se sont saisies du sujet. Certaines ont revu leurs cursus fondamentaux pour y intégrer la durabilité ; d’autres expérimentent des dispositifs immersifs, des projets concrets ou des référentiels alignés sur GreenComp. Les universités, plus lentes à évoluer, commencent, elles aussi, à introduire des parcours transversaux sur le climat.
Résultat : les étudiants arrivent désormais sur le marché du travail mieux sensibilisés, parfois déjà outillés. Les étudiants sortent désormais de l’école avec une exigence forte : ils attendent des employeurs qu’ils soient à la hauteur de ce qu’ils ont appris. Et se heurtent souvent à une inertie culturelle déstabilisante.
Une vraie prise de conscience, mais trop peu de compétences
Dans les organisations, l’effort se concentre encore sur la sensibilisation. La Fresque du Climat, avec plus de 2 millions de participants dans le monde, illustre cette dynamique de masse. Elle a permis d’ancrer une prise de conscience indispensable. Mais ses effets restent limités : moins d’un tiers des participants modifient leur comportement un mois après l’atelier3. La répétition sans suite concrète nourrit même une « fatigue des Fresques ».
D’autres formats, comme « Deux Tonnes », qui propose un travail prospectif pour se projeter collectivement dans des futurs possibles, ouvrent des perspectives collectives mais restent eux aussi des outils de prise de conscience. Ils éveillent les esprits, sans véritablement équiper les collaborateurs pour transformer leurs métiers. Autrement dit, la sensibilisation a rempli son rôle d’alerte, mais elle atteint aujourd’hui ses limites.
Quand la formation devient un levier de transformation durable
Pour franchir un cap, les directions Learning & Development doivent dépasser la logique de sensibilisation et inscrire les Green Skills dans la réalité des métiers. On voit pourtant émerger de belles initiatives : des équipes qui testent, sur le terrain, de nouvelles manières de produire, de manager, de décider. Ces expériences montrent qu’un apprentissage plus ancré, plus collectif, est possible.
L’enjeu est d’importance : transformer une prise de conscience individuelle en une capacité d’action collective. Sans ce passage à l’opérationnel, les Green Skills resteront au stade de l’incantation. Les « compétences vertes » ne sont pas un supplément d’âme : elles sont désormais une condition de survie économique, sociale et stratégique.
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