IA agentique : pourquoi l’entreprise doit changer de modèle

Comme l’automatisation a refaçonné la chaîne industrielle, l’IA agentique reconfigure la manière dont l’entreprise exécute, coordonne et décide. L’enjeu n’est plus technologique, mais structurel : comment faire coopérer humains et intelligences artificielles dans un même espace de travail ?

C’est le défi de l’entreprise hybride : une organisation où les agents IA assument une part croissante des tâches opérationnelles, sous le pilotage éclairé des collaborateurs.
Depuis quelques mois, un changement de paradigme s’est amorcé dans les entreprises les plus avancées : la montée en puissance de l’IA agentique. Contrairement aux copilotes ou assistants conversationnels « mono-tâche », ces agents sont conçus pour être capables d’exécuter des séquences d’actions complexes de façon autonome, en interaction avec les systèmes d’information. Et ce, dans un cadre sécurisé, traçable et gouverné.

Ce modèle donne naissance à une entreprise hybride, où les agents IA prennent en charge les tâches répétitives, structurent les interactions, et laissent aux collaborateurs humains le soin de piloter la relation, la décision et l’innovation.

L’avènement de l’entreprise hybride : humains et agents, côte à côte

Dans les fonctions vente, RH, finance ou IT, les premiers cas d’usage se dessinent : la technologie existe pour permettre à des agents IA de générer une proposition commerciale, automatiser la création de comptes utilisateurs, lancer des campagnes de relance ou préremplir des contrats de travail.

Ces agents ne remplacent pas les humains. Ils réorganisent l’effort collectif : Les agents exécutent, coordonnent, assurent la traçabilité, les humains décident, interprètent, créent du sens, communiquent et rassemblent. C’est une nouvelle forme de coactivité, qui nécessite de repenser la gouvernance : que peut faire un agent ? Quand doit-il rendre la main à un humain ? Comment garantir son comportement dans le temps ? Quelle part des processus d’entreprise est-il “responsable” d’externaliser à des agents digitaux ?

L’intention remplace l’application

Pendant des décennies, les collaborateurs ont navigué entre une multitude d’applications métier pour accomplir leurs tâches. Chaque opération nécessitait de connaître l’outil, sa logique, son interface.
Demain, ils formuleront une intention – “préparer l’onboarding d’un collaborateur”, “relancer les clients à risque” – et un agent interagira avec les bons systèmes (RH, CRM, finance…) pour orchestrer automatiquement les actions requises.

Cette évolution marque la fin du système d’information conçu comme une juxtaposition d’applications. Elle donne naissance à une interface unifiée, fluide, conversationnelle — incarnée par l’agent IA. Satya Nadella, PDG de Microsoft, y voit un tournant majeur : « L’ère du SaaS tel que nous la connaissons touche à sa fin. » Les interfaces deviennent invisibles. Les interactions, intelligentes.

Une nouvelle DSI : la Direction des Systèmes Intelligents

Dans ce contexte, la DSI ne disparaît pas — elle change de nature. Jensen Huang, PDG de NVIDIA, résume bien la transformation : « La DSI deviendra la RH des agents IA ».
Concrètement, cela signifie :

  • Fournir des agents adaptés aux besoins métiers, interconnectés, sécurisés.
  • Superviser leur comportement : permissions, rôles, responsabilités, logs.
  • Garantir la conformité : auditabilité, éthique, explicabilité, respect de l’AI Act et du RGPD.

Ce nouveau rôle appelle une évolution culturelle, organisationnelle et humaine : recrutement de nouveaux profils (AI Ops, architectes agentiques), structuration de plateformes internes, acculturation des équipes métier.

Feuille de route pour dirigeants visionnaires

La transition vers l’IA agentique n’est pas un projet technique : c’est un réalignement stratégique. Trois leviers permettent de bâtir une trajectoire pérenne :

Favorisez une culture de l’adaptation

Les compétences de demain seront radicalement différentes de celles d’aujourd’hui. Dans un monde où les agents IA deviennent des partenaires de travail, l’enjeu n’est pas seulement de former – c’est d’apprendre à évoluer.
– Donnez à chacun les clés pour comprendre, pas des injonctions.
– Accompagnez sans stigmatiser, même ceux qui doutent.
– Encouragez l’expérimentation, la curiosité, l’envie d’apprendre.

La cohabitation homme–agent ne se décrète pas, elle s’apprend, elle se construit.

Changez de paradigme : ce que vous pouvez faire aujourd’hui est déjà pertinent

À l’ère de l’IA générative, même la règle du 80/20 paraît obsolète. Le bon réflexe n’est plus d’attendre que 80 % du besoin soit couvert avant d’agir, mais d’avancer avec ce que la technologie permet déjà de faire — rapidement, simplement, efficacement.

Car si cela ne suffit pas aujourd’hui, il y a de fortes chances que la technologie comble vos besoins dans quelques semaines. Le vrai risque n’est plus de se précipiter, mais de rester à quai pendant que le train de l’innovation passe.

Posez les fondations de votre orchestration intelligente

Les agents IA ne s’ajoutent pas simplement à votre paysage digital : ils en redéfinissent l’architecture. À mesure qu’ils deviennent les exécutants et les interfaces des collaborateurs, la question n’est plus quels outils utiliser, mais quel système nerveux construire pour orchestrer cette intelligence distribuée.

Cela appelle à concevoir – ou faire émerger – une infrastructure agentique alignée sur vos valeurs, vos usages, vos contraintes :
– incarnée par vos priorités métiers et votre culture ;
– gouvernée avec clarté, traçabilité, et sens des responsabilités ;
– ouverte aux écosystèmes (Copilot, AgentForce, NowAssist…) ;
– et surtout conforme à vos exigences réglementaires — explicabilité, auditabilité, respect du RGPD, de l’AI Act ou des normes sectorielles.

Cette plateforme n’est pas une fin en soi. C’est un cadre vivant, évolutif, sur lequel s’ancrera votre capacité à faire évoluer les rôles, automatiser des séquences, et inventer une nouvelle forme d’agilité opérationnelle.

L’IA agentique ne s’intègre pas à l’entreprise : elle la redéfinit. Elle en devient un acteur à part entière, réorganisant les rôles, les outils, les collaborations. Ce n’est plus une affaire d’outillage, mais de positionnement stratégique : que souhaitons-nous déléguer à l’IA ? Et que choisissons-nous de réserver à l’humain ?
Ce choix n’est jamais neutre. Il engage un modèle d’organisation et, en creux, un projet de société.

Article précédentFortes chaleurs au travail : le nouveau défi des employeurs
Pascal Grumel, Directeur des Initiatives Stratégiques et du Développement International du Groupe Magellan Partners.
Ingénieur diplômé de CY Tech, il possède plus de 20 ans d’expérience dans le conseil et les services informatiques, dont dix à l’international. Il débute sa carrière chez Unilog Management en 2004, puis rejoint Atos où il prend des responsabilités croissantes en gestion de projets à l’échelle mondiale. En 2010, il intègre Magellan Consulting pour piloter des programmes de transformation IT majeurs, avant de rejoindre en 2015 le groupe Inoapps à Londres en tant que COO, en charge des opérations globales. Aujourd’hui basé à Édimbourg, il accompagne le développement international du Groupe Magellan Partners et en définit les orientations stratégiques, notamment autour des nouveaux modèles organisationnels à l’ère de l’intelligence artificielle. Il porte une vision engagée de l’entreprise hybride, fondée sur l’innovation, la collaboration homme-machine et la transformation durable des organisations.