Alternance et passerelle vers l’emploi
L’alternance s’impose comme l’un des meilleurs leviers d’insertion professionnelle. Elle combine apprentissage théorique et expérience en entreprise, tout en facilitant l’accès à l’emploi. Elle a prouvé son efficacité, aussi bien pour les jeunes que pour les entreprises.

Pourtant ces dernières années, un glissement progressif s’est opéré, au point d’en perdre de vue sa finalité première : former, révéler, intégrer. L’alternance tend à être banalisée, perçue comme une simple période de transition ou, pire, comme une forme de stage prolongé. Il est temps de redonner du sens à cette passerelle vers le monde professionnel.

L’alternant n’est pas un stagiaire

On l’oublie trop souvent : un alternant n’est pas un stagiaire. C’est un salarié à part entière, engagé contractuellement, intégré à une équipe, rémunéré et porteur d’objectifs. Il est embauché pour contribuer à la vie de l’entreprise, pas simplement pour observer. Bien sûr, l’apprentissage est au cœur de son rôle, mais attendre de lui qu’il se limite à cette seule dimension est une aberration. L’alternance repose sur un principe fondamental ; apprendre en travaillant et travailler en apprenant. Or, on a peu à peu glissé vers une vision édulcorée du rôle de l’alternant, comme si son statut le dispensait de toute réelle contribution.

En confondant alternance et stage, on brouille les attentes et on retarde l’intégration professionnelle. L’alternance est censée préparer à l’embauche. Mais cette vocation initiale s’efface peu à peu. Cette dérive nuit à la fois à l’entreprise et au jeune. En réalité, on a déplacé le problème du recrutement des jeunes diplômés vers celui des alternants en oubliant l’objectif initial : former pour intégrer.   

Un système scolaire déconnecté

Ce glissement s’explique aussi par un décalage croissant entre le discours institutionnel et la réalité vécue sur le terrain. Sous l’effet des politiques d’incitation, du marketing des écoles et de la pression sociale autour des études supérieurs, le système produit de plus en plus de candidats, mais sans toujours les préparer aux attentes des entreprises.

A l’école, on a progressivement gommé les limites. On donne l’illusion que tout le monde passera, que tout le monde réussira. L’exigence est symbolique, rarement concrète. Dans ces conditions, il est difficile pour un jeune de comprendre ce que signifie vraiment “être prêt” à entrer dans une entreprise. On a tiré les seuils vers le bas pour ouvrir les portes au plus grand nombre, sans toujours poser les bonnes questions sur la préparation réelle à la vie professionnelle.

Une fracture qui s’installe

Résultat : une fracture s’installe. D’un côté, des jeunes prêts, matures, conscients de leur rôle dans l’entreprise. De l’autre, des profils qui manquent de repères ou d’engagement. Ce n’est pas une question de valeur individuelle, mais bien de préparation, d’exigence et parfois… d’illusion. Ce n’est pas le niveau qui baisse mais l’écart qui se creuse entre ceux qui sont prêts et ceux qui ne le sont pas. Une fracture réelle, mais trop souvent ignorée. On standardise les profils. On parle des “jeunes” comme d’un bloc homogène, alors que les disparités n’ont jamais été aussi fortes. Il faut savoir comment trouver les meilleurs profils.

Pour ça, il est temps de revoir les critères de sélection. Nous devons aller au-delà du diplôme et des compétences académiques pour sélectionner les profils adaptés aux besoins de chaque entreprise. Les expériences extrascolaires, les activités parallèles, les projets personnels ou les jobs étudiants peuvent en dire long sur la capacité d’un candidat à s’intégrer dans une entreprise et à y évoluer. Il est essentiel de prendre en compte ces éléments pour repérer les talents potentiels et ne pas se limiter à une lecture superficielle du CV. La compétence ne réside pas dans le parcours académique, mais dans la capacité d’un individu à s’adapter, à apprendre et à contribuer de manière significative.

Au-delà des compétences techniques, la rigueur, le sens des responsabilités, la ponctualité ou encore la capacité à recevoir un feedback sont autant de marqueurs essentiels de la maturité professionnelle. Ces qualités, souvent reléguées au second plan, sont pourtant déterminantes pour réussir en entreprise. Elles ne s’enseignent pas sur les bancs de l’école : elles relèvent de l’éducation, de l’environnement et des expériences de vie. Un jeune habitué à prendre des initiatives, à chercher des solutions par lui-même n’abordera pas l’alternance avec le même état d’esprit qu’un autre. Au-delà du savoir-faire, ce sont souvent les savoir-être qui font toute la différence.

L’alternance comme modèle de formation et d’insertion professionnelle, a toujours un rôle fondamental à jouer dans l’avenir des jeunes et des entreprises. Mais il est essentiel d’en comprendre les vrais enjeux. Pour les jeunes comme pour les entreprises, il est temps de sortir d’une approche standardisée. Il est temps de redonner à l’alternance ce qu’elle n’aurait jamais dû perdre : le pouvoir de transformer un potentiel en réussite concrète.
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