La crise sanitaire actuelle fait craindre, à plus d’un titre, une crise économique et sociale sans précédent. Une vaste campagne de vaccination contre la Covid-19 est engagée par les pouvoirs publics. Mais la gestion de cette campagne fait l’objet de nombreuses critiques (lenteur, manque d’efficacité des moyens mis en œuvre …). Les difficultés qui surgissent poussent certains à s’interroger sur l’opportunité d’y associer les entreprises. L’enjeu est de taille puisqu’une mobilisation de tous les acteurs professionnels pourrait permettre de faciliter l’accès à la vaccination. C’est ce qu’a d’ailleurs proposé Geoffroy Roux de Bézieux, Président du MEDEF, en soulignant le rôle central que pourraient jouer les entreprises dans la vaccination des moins de 60 ans. Cette démarche citoyenne n’est toutefois pas sans risque et doit être encadrée. Les spécificités liées à la crise de la Covid-19 ne doivent pas occulter les règles applicables à la vaccination en entreprise, qu’elles soit obligatoire ou facultative.

La vaccination obligatoire en entreprise à un périmètre extrêmement restreint

Le législateur, et lui seul, peut décider de rendre la vaccination en entreprise obligatoire. A ce titre, le code de la santé publique prévoit une série de vaccinations obligatoires en milieu professionnel. L’article L. 3111-4 du Code du travail impose notamment la vaccination contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite pour toute personne qui « exerce une activité professionnelle l’exposant à des risques de contamination ».
Un arrêté du 15 mars 1991 établit la liste des établissements concernés. Il s’agit principalement des établissements de santé et des services de secours. Par extension, lorsqu’ils participent à cette activité, d’autres secteurs peuvent être concernés et principalement les blanchisseries et les entreprises de pompes funèbres.
Lorsqu’un salarié d’une entreprise de ces secteurs professionnels refuse de se faire vacciner, il peut faire l’objet d’un licenciement (Soc. 11 juillet 2012, n°10-27.888).

La vaccination facultative en entreprise, un dispositif peu satisfaisant

Assimilé à l’obligation de prévention des risques professionnels dans l’entreprise, le dispositif de vaccination facultative reste particulièrement flou.
L’article R. 4426-6 du Code du travail précise que l’employeur peut recommander « s’il y a lieu et sur proposition du médecin du travail, aux travailleurs non immunisés contre les agents biologiques pathogènes auxquels ils sont ou peuvent être exposés de réaliser, à sa charge, les vaccinations appropriées ». Ainsi, lorsque les salariés sont exposés à un agent biologique pathogène et qu’il existe un vaccin pour les protéger de ce risque, l’employeur peut leur recommander d’avoir recours à la vaccination. Tel est par exemple le cas de salariés voyageant dans des zones infectées, des salariés travaillant dans les égouts etc… Bien évidemment, un salarié ne saurait être sanctionné s’il refuse d’avoir recours à une vaccination facultative.

Les entreprises doivent-elles procéder à la campagne de vaccination contre la Covid-19 ?

Comme l’a fort justement proposé le Président du MEDEF, les entreprises pourraient aisément épauler, de manière efficace, le protocole de vaccination mis en place par l’Etat afin de lutter contre la pandémie. Un tel dispositif, facultatif et anonyme, est déjà mis en place dans de nombreuses entreprises pour la vaccination contre la grippe. Pour autant, un tel scenario se heurte à une question particulièrement importante. Quelle responsabilité pèserait sur les entreprises en cas de complication post vaccinale ?
Actuellement lorsqu’un salarié, ayant accepté la vaccination non obligatoire proposée par son employeur, est victime d’un accident post-vaccinal, il peut engager la responsabilité de son employeur et de la Médecine du travail. L’accident post-vaccinal est alors considéré comme un accident du travail (Soc. 13 février 2003). Compte tenu de ce principe, une importante responsabilité pèse sur les entreprises qui envisageraient de participer à la campagne de vaccination contre la Covid-19. Compte tenu également de l’ampleur de la campagne vaccinale, il est fort probable que de nombreux salariés accepteront la vaccination qui leur sera proposée au sein de leur entreprise. Un tel engouement augmentera nécessairement les risques d’accidents post-vaccinaux.
Le fait que leur responsabilité soit engagée pourrait dissuader les entreprises de participer ainsi à cet effort de santé publique. Il semble alors indispensable de sortir la vaccination contre la Covid-19 du champ d’application des accidents du travail et des maladies professionnelles.