L’actualité politique nationale est d’abord marquée par l’attente d’un remaniement ministériel. Quelle que soit la composition du prochain Gouvernement, le Président de la République ne cache pas son intention de reprendre et de mener à bien la réforme des retraites. Commencés depuis plus de trois ans, les travaux préparatoires de cette réforme révèlent déjà largement ce qui attend à la fois les travailleurs indépendant, les agents des services publics, les salariés et, en particulier, les cadres.

Un régime universel par points

strong>Jean-Paul Delevoye est nommé Haut-Commissaire à la réforme des retraites le 14 septembre 2017. Il engage très vite une vaste mission de concertation. En juillet 2019, il présente le rapport Pour un système universel de retraite. Il y expose son ambition de préparer « la construction de la protection sociale du XXIe siècle » malgré « le poids des solidarités professionnelles » et la coexistence de « nos 42 régimes de retraite ». La synthèse introductive part du constat que « notre système de retraites offre un visage contrasté » puisqu’il suscite « de la défiance et de l’inquiétude » bien qu’il garantisse encore « à nos retraités un niveau de vie satisfaisant, tant en comparaison du reste de la population française qu’au regard de la situation qui existe chez nos voisins européens ». La construction d’un système universel passe d’abord par la comptabilisation des droits à la retraite en points. Le rapport annonce que « les règles du système universel de retraite se substitueront aux règles applicables aux différents régimes de base et régimes complémentaires obligatoires actuels ».

Vers la disparition des régimes spéciaux, particuliers et du régime unifié A.G.I.R.C./ARRCO

Le projet implique donc la disparition des régimes spéciaux, des régimes particuliers et du régime unifié issu de la fusion de l’A.G.I.R.C. et de l’ARRCO. Il est prévu que tous les droits soient comptabilisés en points accumulés tout au long de chaque carrière. Cette comptabilisation doit permettre une plus grande égalité dans l’accès à la retraite « puisque chaque euro cotisé conduira à l’acquisition du même nombre de points pour tous les assurés, quels que soient l’activité professionnelle, le statut ou la forme de l’exercice ». Le rapport propose de ne pas interrompre l’acquisition de points durant les périodes de congé maternité, d’arrêt maladie, d’invalidité et de chômage.

A l’issue de la vie professionnelle, le montant de la pension dépendra du nombre de points acquis et de la valeur de service attribuée à chaque point. Le rapport propose d’indexer la valeur de service des points sur le taux de croissance du revenu moyen par tête en garantissant cependant que « la valeur du point ne pourra pas baisser ». Il est également proposé de garantir une valeur minimale de la pension « égale à 85 % du S.M.I.C. net pour la réalisation d’une carrière complète » afin de ne pas défavoriser les travailleurs à faibles revenus. Les droits accumulés dans les régimes antérieurs à la réforme seront pris en compte.

Des âges de départ et des pensions individualisables

Un taux de cotisation de 25,31 % est prévu pour le régime universel, 60 % de cette cotisation étant à la charge des employeurs et les 40 % restant à la charge des salariés. Lorsque la rémunération brute annuelle dépassera le montant de cent vingt mille euros, le taux de cotisation passera à 28,12 %. Pour les travailleurs indépendants de l’artisanat, du petit commerce, des exploitations agricoles et des professions libérales, un barème spécifique sera appliqué de façon progressive pour ne pas « remettre en cause l’équilibre économique de leur activité ».

Le rapport propose de fixer l’âge légal de départ à la retraite à soixante-deux ans, mais en ne donnant à cet âge légal qu’un caractère indicatif et facultatif puisque « le système universel incitera au prolongement de l’activité ». Les salariés continuant à travailler au-delà de l’âge légal pourront accumuler des points et prétendre ensuite à une pension de retraite plus élevée. L’âge légal sera révisable en fonction de l’évolution de l’espérance de vie dans le souci « d’équilibrer le financement des retraites, d’assurer la solidité du système et de garantir, à titre individuel, une retraite satisfaisante ». Les travailleurs handicapés et les salariés ayant commencé à travailler avant l’âge de vingt ans se verront appliquer un âge légal de départ spécifiquement fixé à soixante ans. Pour les métiers particulièrement dangereux comme ceux des militaires, des policiers, des douaniers, des sapeurs-pompiers et des pêcheurs, un âge légal encore inférieur sera déterminé.

Des dispositions particulières pour les parents et les personnes ayant aidé des proches

Dans le souci d’encourager la natalité et la solidarité, le rapport prévoit des dispositions particulières pour les parents et pour les personnes ayant aidé des proches. Il est ainsi prévu de majorer les pensions de 5 % par enfant. Cette majoration peut profiter à chacun des parents mais, « si aucune option n’est effectuée par les parents, ces droits seront automatiquement attribués à la mère ». D’autres dispositions sont envisagées pour les personnes ayant aidé des proches en situation de perte d’autonomie. Ces personnes bénéficieront d’une garantie, grâce à laquelle elles se verront attribuer des points au titre des périodes pendant lesquelles elles ont aidé des proches.

En complément, le rapport propose de réviser et d’harmoniser les dispositions applicables aux pensions de réversion. S’il est déploré que les régimes en place imposent des modalités de calcul et de versement très disparates, il est surtout annoncé que « la mise en place du système universel permettra de créer un nouveau dispositif pour l’attribution des pensions de réversion qui mettra fin aux inégalités actuelles » : la personne veuve conservera au moins 70 % des droits à la retraite dont bénéficiait le couple, sans avoir à satisfaire aucune condition de ressources.